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FABLES ORIGINALES

Dame de très haut rang, ayant nom Dona Sol,
Un noble cavalier, l’hidalgo Santa-Pol,
Plus, un estropié, marchant avec béquilles,
Et vêtu salement de sordides guenilles.
Des trois, c’est l’assassin !
Fit le juge Jossin.
Dom Gusman, avocat, défend ce pauvre diable :
Je ne crois pas, dit-il, qu’il soit le misérable,
Auteur du crime, auteur du vol ;
On n’a trouvé sur lui qu’une demi-pistole. —
Soupçonnez-vous plutôt le seigneur Santa-Pol ?
Répliqua dom Jossin ; la chose serait drôle. —
Pourquoi pas ! repartit le bouillant avocat ;
Des riches ont paru devant le magistrat,
Accusés de forfaits, en ces points, tous semblables ;
Vous les avez jugés, ils étaient condamnables.
L’or donne soif d’or.
Pour en avoir encor
Ce cavalier a… non ! pas d’initiative
Qui vaut aux innocents la prison préventive.
Funeste est le soupçon que nul fait ne motive.
En vain les tribunaux confessent leur erreur,
L’homme ainsi soupçonné ne recouvre l’honneur
Jamais complètement. Une tache lui reste.
Et le peuple ignorant par le doute proteste
Qu’il penche plus à croire à son iniquité,
Qu’à l’arrêt répondant de sa moralité.
Dom Gusman sur ces mots redouble d’éloquence,
Et s’écrie avec force au milieu du silence :
Juges et magistrats respectueux des lois,
Soyez les protecteurs du faible et de ses droits !