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société d’économie sociale (séance du 18 avril 1887).

lance encore cette apostrophe concise et significative : « Jeune homme, vous appartenez à une armée dont le signe de ralliement est de craindre Dieu et de faire 100 kilomètres en 100 heures. »

Voilà certes une association d′idées dans laquelle le sport est traité avec honneur puisqu’il se trouve sur le même rang que la crainte de Dieu. Mettre des poings solides au service de Dieu est une condition pour le bien servir ; se faire une santé vigoureuse est une nécessité pour avoir une existence bien remplie ; car on perd du temps à être malade, et le temps c’est de l’argent ; quant à la recommandation évangélique de tendre la joue gauche quand on vous frappe la droite, elle est peu pratiquée et remplacée par celle-ci qui est la devise du Royaume-Uni : « Si vous cognez, je cogne. » — Telles me paraissent être les idées courantes sur le rôle de la force physique et du sport en ce monde, et si ces maximes ne sont pas toujours aussi nettement formulées, elles sommeillent au fond du cerveau de tout bon Anglais qui sait les y retrouver quand il en a besoin. — Revenons à l’éducation.

Thomas Arnold, que je demande la permission de faire entrer en scène encore une fois, s’était posé la question suivante : « Peut-on hâter la transformation qui fait de l’enfant un homme sans par là courir le risque d’écraser ses facultés physiques et intellectuelles ? » et cette question l′a longtemps tourmenté. Il sentait bien que tout garçon doit passer par une époque critique et il était persuadé que les public schools ont l′avantage de pouvoir avancer cette époque. À ses yeux rien de pire que l’esprit qui prend de l’avance sur le corps ; l’intelligence en se développant doit trouver une enveloppe large qui ait la force de la contenir et de résister à son expansion ; il faut que l′enfant soit encore enfant alors qu’il a déjà un corps d’homme ; en un mot il faut se hâter de faire moralement et physiquement un homme de cet enfant qui a de mauvais instincts et des passions dont il subira l’assaut ; il faut lui donner des muscles et une volonté prématurés, ce qu′Arnold appelait : « True manliness » ; initiative, hardiesse, décision, habitude de compter sur soi et de s’en prendre à soi-même quand on tombe… toutes qualités qui ne se rattrapent pas et qu′il importe bien plus de cultiver dès la première enfance que de s′évertuer à faire entrer dans de jeunes cervelles des notions scientifiques bien vite disparues précisément parce qu’on les y a mises trop tôt.

Quel est l’effet de cette préoccupation ? Comment met-on en pratique de tels principes et surtout quels sont les résultats obtenus ? Toute agglomération d′hommes constitue un ensemble de vices et de corruption, et les enfants, c’est de la graine d’hommes. On se plaint dans nos internats du travail qui est trop pénible, de l’atmos-