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Je ne puis m’arrêter ici sur ce sujet. L’Union Pédagogique ne s’est pas bornée à poser des prémisses ; elle a préparé des formules d’application. Je veux seulement redire le principe suprême qui est celui-ci : « Tout enseignement historique fragmentaire est rendu stérile par l’absence d’une étude préalable de l’ensemble des annales humaines. Ainsi l’habitude des fausses proportions de temps et d’espace s’introduit dans l’esprit et y demeure. En conséquence, l’histoire d’une nation et celle d’une période ne peuvent être utilement enseignées que si elles ont été préalablement situées dans le tableau général des siècles historiques. »

Ce peut sembler paradoxal d’attribuer à la morale en lambeaux qui domine aujourd’hui une responsabilité similaire et presque égale à celle qu’assume le désordre de l’enseignement. La faute en est évidemment au dévergondage littéraire qui avait commencé de sévir dès avant la guerre et qui, ne rencontrant plus aucune entrave, c’est traduit par une floraison délétère presque universelle. Il y a lieu d’admirer que les dégâts en résultant parmi la jeunesse n’en soient pas rendus plus excessifs encore. Son instinct paraît l’avoir incitée à quelque geste de libération et de révolte. En cette année 1933 qui apparaîtra probablement plus tard comme un des tournants de siècle de la période présente, ce fut un spectacle étrange que celui de ces étudiants interprétant et dépassant la pensée passionnée de leur chef, et jetant au feu d’un bûcher symbolique, avec beaucoup d’œuvres qu’ils eussent dû respecter, celles qu’ils accusaient d’avoir le plus contribué à corrompre leur temps sous le couvert de la science comme sous celui de la littérature. Il est certain qu’une époque qui en est arrivée à faire de la préoccupation sexuelle le pivot journalier et presque unique de ses distractions et de l’emploi de ses loisirs et à traduire sans cesse cette préoccupation par la plume et l’image, vit sous la menace de la plus grave dégénérescence. Cet érotisme morbide contre lequel trop souvent la veulerie, pour ne pas dire la lâcheté des parents, n’a pas même su défendre le foyer familial menace à la fois d’annihiler la valeur du redressement sportif et de compromettre les conquêtes d’un juste féminisme. L’égotisme qui se développe de la sorte dans l’individu atteint le groupe et le transforme peu à peu en une véritable cellule de désorganisation sociale. Il engendre par ailleurs une régression fatale de la valeur intellectuelle par l’abaissement des préoccupations et la vulgarité des conversations parmi les jeunes et par l’esclavage inconscient qui pèse sur l’imagination créatrice.

Clarifier l’entendement et assainir l’atmosphère morale sont devenus désormais des besognes dont l’urgence s’impose. Seule