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dit secondaire et un enseignement post-scolaire qui présentement suscitent l’image d’une mosaïque à laquelle auraient travaillé des ouvriers anxieux de cimenter n’importe où, chacun le fragment dont il est chargé, sans aucun souci du dessin d’ensemble.

La Société des Nations peut-elle rester insensible à un état de choses qui rend l’interprétation des esprits presque impossible, parce qu’on ne se connaît qu’à condition de s’être rencontrés et observés dans le plein-air des terrasses et non dans le faux-jour des corridors. Le monde est près, pour assurer le relèvement des États, d’admettre aux prix de sérieux sacrifices, le principe d’une « économie dirigée ». Ne faudrait-il pas songer également et dans le même esprit, à instaurer un « entendement dirigé » ?

Une objection — presque une barricade — se dresse : l’Histoire. Leurs maîtres accepteraient peut-être d’introduire pour l’adolescent et le post-scolaire cette période « d’aviation intellectuelle » permettant de survoler le domaine entier de la connaissance selon les programmes établis par l’Union Pédagogique Universelle, mais comment y intégrer l’histoire ? L’histoire nationale, usine de grossissement obligatoire quand elle ne devient pas une usine de surexcitation nationaliste ne comporte guère d’atténuations directes. En vain une autorité supérieure prétendrait-elle intervenir pour en rogner les angles et lénifier le contact de ses rudesses. Des manuels internationaux sont sur chantier. Ils réaliseront si l’on veut le maximum de véracité honnête. Cela n’empêchera point qu’ils ne trouvent en face d’eux les mentalités fermées parce que déjà façonnées avec leurs exagérations et leurs déformations inévitables. Le mal est inné ; on ne le détruira pas à la racine ; il renaîtra toujours. Il faut donc le combattre par le seul antidote efficace qui se puisse utilement employer et qui est conforme du reste à la contexture même de la Société des Nations. Sur le damier des soixante siècles passés, il faut introduire dans un respect égal tous les peuples et faire du tableau d’ensemble de leur activité largement résumée la préface de tout apprentissage historique. Cette histoire universelle dont les découvertes de notre temps permettent enfin de sceller les anneaux, pas besoin de l’agrémenter, de l’orner. Il suffit de la conter sobrement. Le panorama en est si magnifique, si passionnant qu’en l’apercevant seulement à travers la géographie mondiale, (bien plus vite accessible à ses facultés), l’enfant s’en éprendra. Pour l’adolescent et le post-scolaire, elle sera l’introductrice par excellence à la vraie conception de l’humanité, de ses heurts, de ses compromis et de son équilibre instable.