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XXXVIII

réponse de m. le duc de richelieu à la lettre
de m. de voltaire[1].

Il est passé cet heureux âge
Où mon cœur, fidèle au désir,
Volait de plaisir en plaisir.
Il est passé ! Dieu, quel dommage !
Lorsque l’on n’a plus le courage
De suivre le char des amours,
Qu’on fait un mince personnage !
En vain, pour fixer notre hommage,
La raison offre ses secours ;
L’esprit ses fleurs, son badinage ;
Le savoir, son lourd étalage ;
L’amour heureux fait les beaux jours ;
Le reste n’est qu’un remplissage.
Il est divin goût de passage :
Est-on galant, on l’est toujours.
J’ai, dit-on, la gloire en partage ;
C’est beaucoup pour la vanité.
C’est peu pour la félicité.
Et ce n’est rien pour un volage,
Pour un amant de la beauté
Qui d’un même aspect envisage
Le triste bonheur d’être sage
Et celui d’être respecté.
Du moins si j’avais l’avantage
De répandre sur un ouvrage
Les grâces, cette aménité
Qui vous assurent le suffrage
Des gens et de la vérité,
Je tromperais l’oisiveté
Et tracerais sans verbiage
Les scènes de la volupté.

  1. Raynal avait précédemment envoyé à la Duchesse l’épître de Voltaire à Richelieu sur la statue que le signât de Gènes lui avait érigée. De qui est cette réponse ? Elle ne saurait être sérieusement attribuée au maréchal.