Amis, on va fermer le temple de Janus,
Et Mars, dans les bras de Vénus,
Va signaler bientôt son amoureuse audace.
Il vend chevaux, sabre, cuirasse,
Lance, cuissards, et javelots ;
De sa visière il fait un masque,
À Jélyotte abandonne son casque.
Et des écharpes du héros
La duchesse fera des dominos.
Mais vous, dont tout le bien n’est qu’un vieil uniforme,
Qu’allez-vous devenir, infortunés Grassins ?
Vous ferez-vous, à la réforme,
Rats de cave ou bien capucins ?
Ah ! qu’il ferait beau voir les enfants de Bellone
Nu-pieds, barbus, pouilleux, escamoter l’aumône ;
Ou bien de voir de généreux guerriers
De la Maltôte être croupiers.
Et moi, braves enfants, qui suis sans bénéfice,
Moi, capeliau Languedocien,
Dirai-je gratis un office
Où, sur ma foi, je n’entends rien ?
Pour vivre, me joindrai-je à cette crasse bande ?
Cervaux fêlés, ferrailleurs d’arguments,
Vivant d’obits, d’enterrements.
Qu’on nomme des prêtres d’Irlande ?
Non ferai-je, corbleu ! j’ai de l’ambition.
Ayez-en comme moi, qu’elle soit noble et grande ;
Des braves gens elle est la passion.
Si comme moi la gloire vous gourmande,
Suivons-en la vocation.
Marche à moi, grenadier ; feu, frappe :
Foi d’aumônier, je fais ou chanoine ou satrape
- ↑ On appelait Grassin, du nom de son colonel, un régiment composé de trois cents cavaliers et de neuf cents fantassins qui, durant la campagne des Flandres, en 1745, se distingua à la prise d’Oudenarde.