Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 1.djvu/200

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Aux talents étrangers on ne doit que justice.
À quel péril mes vers me vont-ils exposer
Sut la Si, par quelque regard propice,
Sur la Prince, vous ne daignez les naturaliser !


— On vient de publier un troisième volume d’un roman intitulé les Confidences réciproques[1]. Le premier volume est mauvais, le second médiocre, et le troisième excellent. Il consiste en cinq ou six jouissances plaisantes, vives, variées, naïves. C’est dommage qu’elles soient quelquefois un peu chargées ; avec ce défaut, c’est un des morceaux les plus amusants qu’on nous ait donnés depuis longtemps.


XXVI

Comme notre littérature n’a produit depuis ma dernière lettre aucun ouvrage d’agrément dont je puisse vous entretenir, j’ai cru que vous seriez bien aise de trouver quelques particularités peu connues sur les dames qui ont le plus honoré la France par leurs écrits.

Mme Dacier avait médiocrement d’esprit et beaucoup d’érudition ; elle s’est rendue célèbre par les excellentes traductions qu’elle a faites des auteurs anciens. Mme de La Suze avait peu de conduite et beaucoup de sentiment ; nous n’avons en notre langue de bonnes élégies que celles qui sont sorties de ses mains. Mme de Sévigné donnait un ton naturel et délicat à tout ce qu’elle disait ; on remarquait cet heureux talent dans sa conversation, et on l’admire dans ses lettres. Elle était dévote sans être ridicule. Mlle de Scudéry a perdu beaucoup de sa réputation depuis que les contes de fées sont devenus à la mode. On ne lit plus guère les longs romans de cette illustre fille ; elle avait beaucoup d’esprit, mais il lui manquait un peu de naturel. Mme de La Fayette a eu beaucoup de part à Zaïde et à la Princesse de Clèves, deux excellents romans qui ont paru sous le nom de Segrais. Elle était l’idole des gens de cour et de lettres.

  1. Attribuées au compte de Caylus, par Barbier, d’après une note de Van Thol, les Confidences réciproques sont indiquées comme publiées en 1774, trois parties, in-12.