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— Puisque j’ai occasion de parler de M. l’abbé Le Blanc, je vais tacher de vous faire connaître cet écrivain, qui a envie de faire du bruit et qui a rêvé qu’il était un grand homme. Cet abbé a fait son entrée dans les lettres par un recueil d’élégies dont on n’a jamais parlé, même en mal. Il fit, quelques années après, une tragédie intitulée Aben-Zaïd ; quoique faible, on la joua parce qu’on la trouva au-dessus de l’auteur. Il a publié depuis les Lettres d’un Français. C’est un parallèle des Anglais et des Français sur les mœurs, les usages, les talents, les succès, le gouvernement des deux nations. Le premier volume se laisse lire, le second tombe des mains, le troisième indigne. Ces lettres sont écrites d’un style pesant, elles commencent presque toutes par des éloges puérils ; les répétitions y sont continuelles, et malheureusement les choses qui y sont répétées sont extrêmement communes. L’abbé Le Blanc est connu à Paris pour un insolent ; aussi l’abbé Hubert, homme riche, lui donna-t-il en mourant 4, 000 francs pour avoir soutenu la pauvreté avec impudence ; ce sont les termes du testament. — On discourait chez une dame à Paris sur l’orgueil de je ne sais quel homme ; l’abbé Le Blanc parut le plus acharné. Quelqu’un, indigné de ce procédé, lui demanda s’il n’avait pas aussi son orgueil : « Il est vrai, dit l’abbé Le Blanc, j’ai de l’orgueil, mais il n’humilie personne. — Non, lui répliqua-t-on, il fait pitié. » L’abbé Le Blanc vient de se faire peindre par La Tour, qui lui a conservé son air arrogant, bas et sot. Ce portrait a donné lieu à l’épigramme suivante qui a couru tout Paris :


La Tour s’est trompé, ce me semble,
ELn nous peignant l’abbé Le Blanc ;
C’était bien assez qu’il ressemble ;
Hé ! pourquoi le faire parlant[1] ?

— On vient de publier une Histoire des sièges de Berg-op-Zoom qui ont précédé celui qui vient de finir. C’est une rapsodie où il n’y a ni connaissance, ni style, ni goût.

— Il vient de paraître une ode sur la prise de Berg-op-Zoom : les pensées en sont triviales et les expressions basses et gigan-

  1. Cette épigramme est de Piron.