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onze tableaux d’histoire aux meilleurs peintres de son royaume. Chaque artiste a été le maître de choisir son sujet, et on lui a payé son travail d’une bourse de jetons ou d’une médaille de la valeur de deux cents livres à son choix. C’est peu pour un grand roi et trop pour les artistes qui ont très-mal répondu au choix du prince et mal soutenu l’honneur de notre école. Ces tableaux ont été exposés au Louvre. Voici le jugement qu’en a porté l’abbé Le Blanc dans son ouvrage imprimé[1].

Le premier tableau est de Restout. Il représente Alexandre qui, après avoir bu le breuvage qui lui a été préparé par Philippe, son médecin, lui donne à lire la lettre dans laquelle on lui marque que son médecin voulait l’empoisonner. Le très-beau côté de ce tableau est l’ensemble ; toutes les parties concourent parfaitement au but général. Il manque de la noblesse à la figure principale : Alexandre a l’air d’un Lazare qui ressuscite.

Le second tableau, qui est de Van Loo, représente Silène, nourricier et compagnon de Bacchus, Le coloris du tableau est parfait, chose remarquable dans un temps où cette partie est un peu négligée en France : on a trouvé trop blanches les chairs de Silène.

Le troisième tableau, qui est de Dumont, représente Mutius Scœvola qui se brûle le poing pour avoir tué le secrétaire de Porsenna au lieu de Porsenna même. Scœvola a une attitude peu naturelle. Le roi est représenté un diadème sur la tête, ce qui est très-mal entendu, parce que, en ce cas, le Romain n’a pas pu se tromper. La figure du secrétaire est admirable, et les figures si bien disposées que leur multitude ne cause point de confusion.

Le quatrième tableau, qui est de Roucher, représente Jupiter changé en taureau, portant sur son dos Europe qu’il enlève par surprise. Il n’y a rien de plus élégant, de plus gracieux, de plus voluptueux que cette composition. En général, son coloris n’est pas beau, et la couleur de rose y domine trop.

  1. Voir dans le livret du Salon de 1747 une longue description de ces tableaux exposés dans la Galerie d’Apollon. La Lettre (de l’abbé Le Blanc) sur l’exposition des ouvrages de peinture, de sculpture, etc. (de l’année 1747), in-12, est ornée d’un frontipiice gravé par Le Bas d’après un dessin de Boucher.