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Une porte. Une porte sans serrure apparente, mais terriblement et à jamais fermée, — condamnée, sourde-muette, matelassée, capitonnée, blindée. Devant la porte des hommes attendent, sans même frapper, sans même chercher à ouvrir. L’inutilité de tout geste est évidente. Derrière la porte, dans la chambre, il y a aussi un homme, mais un seul. Il y a aussi un drame que vit cet unique acteur. Et tous ceux du dehors savent obscurément ce qui se passe dans la chambre : le plus vieux drame du monde, et le seul, unique comme l’éternité. Un mystère silencieux et plein de sang. Un crime immense, un crime rituel, magique, d’où dépend le sort d’un univers. Un crime auprès duquel toutes les atrocités commises depuis que l’homme existe ne sont que de pauvres actions sans intérêt. Et autour de cet Acte, le silence de l’air liquide, de l’espace solidifié, du gel, de l’absence d’oreilles. La porte est fermée par la peur, la peur de cela plus grande que la peur de mourir. Le crime est long, interminable.

Et plusieurs fois, sous la porte, du dedans au dehors, l’homme seul a fait glisser un billet. Ceux qui l’ont lu ont compris qu’il s’agissait de faire passer au reclus de la nourriture pour qu’il pût durer jusqu’à la fin.