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d’Orange était mortelle : le duc en manifesta une extrême douleur ; sa tristesse était si profonde qu’il pleura pendant une demi-heure sans discontinuer ; il répétait toujours, en sanglotant, qu’il avait perdu son père, son espoir, son appui le plus ferme, le personnage le plus noble par sa sagesse et ses vertus qu’il eût connu jamais ; il disait que la mort de son propre père ne l’eût pas affligé davantage ; il se répandait en propos amers contre la tyrannie et la bassesse du roi d’Espagne[1]. Les circonstances cependant exigeaient de sa part d’autres démonstrations que des doléances et des larmes ; il recevait coup sur coup des avertissements de l’irritation qui se manifestait dans la ville contre les Français, des accusations auxquelles ils étaient en butte à l’instant il fit cesser les préparatifs de la fête annoncée, et, pour montrer sa confiance dans les habitants, il demanda que des compagnies bourgeoises fussent chargées de la garde de son palais, refusant d’y employer les troupes suisses qu’il avait à sa disposition[2].

On a vu que Marnix s’était muni des tablettes et des papiers de l’assassin. Le duc d’Anjou, les ayant reçus de lui, les envoya aux échevins par le sieur Martini, leur greffier, en leur commandant d’examiner les personnes à qui les lettres s’adressaient ; il rendit ensuite une ordonnance qui chargeait les états généraux, le conseil d’État, les bourgmestres et échevins, et les colonels et capitaines de la ville, de nommer des députés, auxquels il donnait pouvoir d’informer sur le

  1. Lettre de W. Herlle. — Bref recueil de l’assassinat, etc.
  2. Lettre de W. Herlle. — De Thou, l. c.