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gentilshommes ; il était entouré de ses enfants et des deux fils du comte Jean de Nassau. Pendant le repas, les hallebardiers virent s’approcher de la table un jeune homme de mauvaise apparence, petit, grêle, le visage pâle et sombre, rasé, à l’exception de la lèvre supérieure, où l’on apercevait une mince barbe noire, vêtu grossièrement tout de noir, avec un pourpoint blanc ; ils l’écartèrent : c’était Jaureguy[1].

Le dîner achevé, le prince se leva, pour passer dans sa chambre, suivi des seigneurs et des gentilshommes qui lui avaient tenu compagnie ; il s’arrêta un instant devant une tapisserie représentant des soldats espagnols, laquelle il fit remarquer au comte de Laval. Jaureguy l’attendait près de la porte de la salle à manger. Repoussé de là d’abord par un hallebardier, il avait insisté, sous le prétexte d’une requête qu’il avait à présenter au prince : il s’approcha de Guillaume, et déchargea sur lui son pistolet à bout portant. L’arme avait reçu une charge si considérable qu’elle fit un mouvement de recul, et éclata dans la main du meurtrier, qui en fut toute déchirée. Au moment où elle partit, le prince s’inclinait pour prendre la supplique prétendue de l’assassin la balle l’atteignit au-dessous de l’oreille droite, le perça de part en part, lui traversa le palais et sortit par la joue gauche, près de la mâchoire supérieure, sans endommager toutefois ni l’artère, ni la mâchoire, ni la langue, ni la denture, sauf quelques

  1. Lettre de Jacob Valck, écrite d’Anvers, le 20 mars 1582, dans les Bijdragen de M. Nijhoff, t. VI, p. 47. — Lettre de W. Herlle à lord Burghley.