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en ayant bien soin de cacher qu’il était espagnol[1].

Dès qu’il se fut assuré de la résolution de Jaureguy, Añastro quitta Anvers (13 mars 1582), sous prétexte de ses affaires ; il se rendit, par Bruges et Dunkerque, à Calais, d’où il expédia un courrier à Juan d’Yssunca, afin de le prévenir de ce qui allait se passer. Avant de partir, ayant réuni Venero et Jaureguy, il leur promit, si l’entreprise projetée réussissait, de les tenir pour ses propres fils, de partager son bien avec eux, et d’autres choses semblables. Jaureguy lui répondit qu’il ne voulait rien avoir ; « qu’il le faisoit pour l’amour de luy, et pour avoir mangé son pain. » Venero tremblait de peur ; Añastro s’efforça de le rassurer, lui disant qu’on ne toucherait à un seul cheveu de sa tête ; qu’une fois Guillaume d’Orange mort, les Anversois seraient trop heureux de s’arranger avec le prince de Parme ; que lui, Añastro, se trouverait bientôt au camp de ce prince, et que de là il enverrait un trompette aux bourgeois d’Anvers, pour les requérir de ne faire de mal à aucun des siens[2]. En vérité, lorsqu’on lit, dans la propre confession de Venero, ces détails dont l’authenticité ne peut ainsi être révoquée en doute, on ne sait ce qu’on doit admirer le plus ou de l’impudence de cet Añastro, ou de la crédulité des deux malheureux jeunes gens qui se laissaient séduire par ces paroles fallacieuses.

Le 18 mars était le jour que Jaureguy, d’accord avec Añastro, avait choisi pour tuer le prince d’Orange c’était un dimanche, et ce jour-là Guillaume avait l’ha-

  1. Confession de Venero.
  2. Ibid.