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Gaspar Añastro ( ainsi s’appelait ce marchand) se flatta de rétablir sa fortune, s’il parvenait à tuer ou à faire tuer le prince d’Orange. Il entretenait une correspondance suivie avec Juan d’Yssunca, natif de Vitoria comme lui, qui avait rempli la charge de commissaire des vivres aux Pays-Bas, et se trouvait, à l’époque dont nous parlons, à Lisbonne, où Philippe II tenait sa cour. C’était Yssunca qui lui avait inspiré l’idée de cette entreprise criminelle : dans une de ses lettres, l’ancien commissaire des vivres l’assurait « qu’il en avoit traité avec le Roi fort secrètement, sans que quelqu’un en sceust à parler, fors que eux deux, et qu’il avoit fait faire à Sa Majesté une capitulation, signée de sa main, en laquelle Sadite Majesté promettoit, ayant nouvelle certaine de la mort du prince, de lui donner 80,000 ducats en argent, ou la valeur d’iceux en rente, et une commande de Saint-Jacques ; que cela s’estoit mis par escrit, et qu’il luy feroit beaucoup d’autres advantages, en luy donnant charges honorables[1]. » Il est inutile de dire qu’Yssunca espérait bien aussi tirer profit. pour lui-même, du crime dont il était l’instigateur. ་་ Añastro s’ouvrit d’abord du dessein qu’il avait formé, à Antonio Venero, son teneur de livres, jeune homme de dix-neuf à vingt ans, dans la persuasion qu’il le déterminerait à frapper lui-même le prince d’Orange ; mais Venero, soit que la crainte du danger auquel il s’exposerait le retînt, soit par motif de conscience, ne montra nulle disposition à se faire l’instrument des vues de son

  1. Confession d’Antonio Venero, imprimée à la suite du Bref recueil de l’assassinat, etc.