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— XLVIII —

médiocrité d’expérience et d’industrie qui est en moi, et que j’ai acquise par un si long et si assiduel travail ; si vous jugez que le reste de mes biens et que ma vie vous peult encores servir (comme je vous dédie le tout et le consacre au pays), résolvez-vous sur les points que je vous propose. Et, si vous estimez que je porte quelque amour à la patrie, que j’aie quelque suffisance pour conseiller, croiez que c’est le seul moien pour nous garantir et délivrer. Cela faict, allons ensemble de mesme cœur et volunté ; embrassons ensemble la défense de ce bon peuple, qui ne demande que bonnes ouvertures de conseil, ne désirant rien plus que de le suivre ; et ce faisant, si encores vous me continuez ceste faveur que vous m’avez portée par ci-devant, j’espère, moiennant vostre aide et la grâce de Dieu, laquelle j’ai sentie si souvent par ci-devant et en choses si perplexes, que ce qui sera par vous résolu pour le bien et conservation de vous, vos femmes et enfants, toutes choses sainctes et sacrées, je le maintiendrai. »

Dans un temps où l’opinion publique n’avait point d’organes, il serait difficile de constater l’impression que produisirent en Europe les deux actes que je viens de citer le ban qui mettait hors la loi le prince d’Orange, et promettait une récompense à qui l’assassinerait ; le manifeste où ce prince se justifiait des imputations sur lesquelles cette mesure barbare était fondée. Mais qui pourrait douter que l’opinion publique ne se soit rangée alors du côté du proscrit contre le proscripteur ? Aux Pays-Bas, je veux dire dans les provinces qui s’étaient soustraites à l’autorité du Roi, l’édit du 15 mars 1580 ne fit que rendre plus étroite l’alliance de la nation et de