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— XXXIV —

Dans le conseil de Farnèse, les opinions furent partagées sur l’opportunité de la proscription ordonnée par le Roi.

Les uns trouvèrent que, au lieu d’exciter l’animadversion publique contre le prince d’Orange, cet acte augmenterait la sympathie qu’inspiraient sa personne et sa cause ; qu’il lui servirait d’avertissement de se tenir encore plus sur ses gardes ; que, parmi les Belges, catholiques ou hérétiques, personne ne se rencontrerait qui voulût attenter à la vie du prince ; que les étrangers, « plus résolus en cas semblables que ceulx des pays de par deçà, » seraient dès lors surveillés davantage par lui et les siens ; que, si un ban impérial n’attirait d’ordinaire à celui qui le décernait ni haine ni malveillance, parce qu’il était fondé sur les ordonnances et constitutions générales de l’Empire et résolu par ses représentants, il y avait lieu de craindre qu’un ban émané de la seule autorité du Roi ne produisît un effet qui lui fût peu favorable ; enfin que la mesure projetée donnerait matière à taxer d’indécence et de bassesse un prince tel que le Roi, qui, ayant commencé la guerre et disposant de forces si considérables contre le prince d’Orange, semblerait avouer pár là son impuissance à le réduire. Les autres adoptèrent les raisons contenues dans la lettre que le cardinal de Granvelle avait rédigée. Selon eux, « ce n’était rien de nouveau, que de grands princes et monarques usassent de semblables autorisations à tous cœurs généreux de prendre vengeance de semblables tyrans et personnes détestables, pestes du monde ; » par la publication qui aurait lieu, d’ailleurs, le peuple ignorant se désabuserait sur le compte du prince d’Orange ; il connaîtrait mieux « l’esprit pur