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artifices qu’il n’avait cessé d’employer pour abuser le peuple (pp. 19-23).

C’était le cardinal de Granvelle qui avait conseillé au Roi cette mesure odieuse ; ce fut lui qui minuta de sa main la lettre adressée au gouverneur général des Pays-Bas. Tenu pendant quinze ans à l’écart par la jalousie des ministres espagnols, Granvelle venait, depuis peu, d’être appelé de Rome à Madrid, et chargé de nouveau des affaires des Pays-Bas[1]. Il n’avait pu entièrement oublier que Guillaume était le principal auteur de sa sortie de ces provinces, quoique, depuis, il se fût exprimé sur le compte du prince d’Orange en des termes qui dénotaient l’absence de tout ressentiment[2] ; il était convaincu, d’ailleurs, que, tant que Guillaume serait en vie, le Roi essayerait en vain de rétablir son autorité dans les Pays-Bas ; il l’avait écrit à Philippe II plus d’une année auparavant (p. 19) : l’avis qu’il donna au Roi lui fut dicté par ces sentiments divers. Il comptait que « quelque désespéré — c’était son expression — exécuterait l’arrêt rendu par le Roi, pour gagner la récompense promise, » et la chose était assez vraisemblable : mais que penser de ce qu’il ajoutait, que, vu la pusillanimité du prince d’Orange, la seule publication de cet arrêt le ferait mourir de peur (p. 19) ? Si Guillaume avait été si pusillanime, se serait-il, comme il le faisait depuis sept ans, exposé aux dangers d’une guerre sans relâche et au fer des assassins ? On s’étonne

  1. Correspondance de Philippe II sur les affaires des Pays-Bas, etc., t. I, p. LXVIII.
  2. Ibid., t. II, p. LVI.