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les franchit d’un saut. Dans ce moment, le second pistolet qu’il portait à la ceinture, et dont il avait vraisemblablement l’intention de se servir contre ceux qui l’auraient approché, tomba à terre ; il ne le ramassa point, afin de se sauver plus vite. Il traversa rapidement les écuries, et prit la rue de l’École, qui menait aux remparts. Il était déjà bien avant dans cette rue, lorsque, passant sur un fumier pour raccourcir son chemin, il tomba. S’étant relevé promptement, il reprit sa course. Il allait monter sur le rempart, d’où il se serait jeté dans les fossés, lorsqu’il fut atteint par un laquais et un hallebardier du prince qui s’étaient mis à sa poursuite, et que d’autres serviteurs de la maison d’Orange rejoignirent presque en même temps[1].

Dans le premier moment, il manifesta quelque appréhension ; mais, voyant qu’on ne le tuait pas sur-le-champ, il se remit. Un de ceux qui l’avaient arrêté lui ayant dit : « Tu es bien méchant ! Je ne suis point méchant, répondit-il ; j’ai fait ce que le Roi m’a commandé. — Quel roi, répliqua l’autre ? — Le roi d’Espagne, mon maître. » On le ramena au Prinsenhof. Arrivé à la porte par laquelle il était sorti, il s’écria : « Ah ! porte, porte, tu m’as trompé, je vois bien que je suis mort (p. 136) ! »

Au bruit de l’assassinat, le magistrat de la ville était accouru au Prinsenhof ; il se mit en devoir d’interroger l’assassin, qu’on venait de conduire en la chambre du concierge. Gérard demanda du papier et de l’encre,

  1. Le Petit, Grande chronique de Hollande, liv. XIII, p. 495. — Van Meteren, Histoire des Pays-Bas, liv. XII, fol. 238.