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exalté. Il avait à peine douze ans qu’entendant parler, au greffe du parlement de Dôle, des maux causés par les gueux aux Pays-Bas, et de l’appui que leur avait donné le prince d’Orange, il dit qu’il le tuerait. Il le disait même si souvent, et avec tant de véhémence, que ses parents durent l’en reprendre[1].

Cette exaltation, cette haine instinctive pour le prince d’Orange, s’accrurent chez Gérard avec l’âge (p. 159). Elles se manifestèrent en 1577, lorsqu’on apprit, au comté de Bourgogne, la rupture qui avait éclaté entre les états des Pays-Bas et don Juan d’Autriche, rupture qu’on attribuait aux artifices du chef de la maison de Nassau. Gérard, se trouvant en ce temps à Dôle, dans une maison particulière, et tenant à la main une dague, la lança avec force contre une porte : « Je voudrais — s’écria-t-il — que ce coup-là eût été donné dans le cœur du prince d’Orange ! » Quelqu’un qui était présent lui remontra que ce n’était pas à lui de tuer ni de menacer les princes ; que, quand le Roi le voudrait, il se débarrasserait du prince d’Orange, qu’il était assez puissant pour cela, qu’il n’aurait qu’à le commander, mais qu’il ne se priverait pas légèrement d’un si bon capitaine, lequel il pouvait encore espérer de ramener à son service (pp. 136, 164).

Cette remontrance fit une certaine impression sur Gérard, et depuis, son esprit sembla s’être calmé. Mais

  1. Voy. p. 159. Renon de France, qui nous fournit ces détails dans son Histoire des troubles des Pays-Bas, nous paraît digne de confiance, d’autant plus qu’il dit les tenir des condisciples de Gérard et des greffiers du parlement de Dôle.