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ACTE 1, SCÈNE I tl

Et, se laissant ravir à l'amour maternelle,

Ses vœux seront pour loi, si tu n'es plus contre elle. 80

JULIE.

Ce discours me surprend, vu que, depuis le temps

Qu'on a contre son peuple arni^ nos combattants, l

Je vous ai vu pour elle aulant d'indifférence

Que si d'un sang romain vous aviez pris naissance.

J'admirais la vertu qui réduisait en vous 65

Vos plus chers intérêts à ceux de votre époux;

Et je vous consolais au milieu de vos plaintes.

Comme si notre Rome eût fait toutes vos craintes.

SADINE.

Tant qu'on ne s'est choqué qu'en de légers combats, Trop faibles pour jeter un des partis à bas, 70

Tant qu'un espoir de paix a pu flatter ma peine, Oui, j'ai fait vanité d'être toute Romaine.

59. Se laissant ravir à paraît un solécisme à Voltaire : car « le mot de ravir, quand il signifie 70!>, ne prend point un datif : on n'est point ravi à quelque chose ». Mais précisément ici il ne s'agit pas de joie, et la méprise de Vollaire est évidente. Se laisser ravir à équivaut à se laisser entraîner par. M. Aimé Mar- tin, qui relève l'erreur de Voltaire, n'en commet pas une moindre lorsqu'il écrit: « Ce datif n'est pas gouverné par ravir, mais par se laissant. » On trouverait chez tous les écrivains du xvii* siècle un grand nombre d'exemples de à au lieu de par :

Je me laissai conduire à cet aimable guide, (Racine, Iphigénie, II, i)

^mour est ici féminin, comme aui vers 115 d'Horace et 921 d'Agésilag :

Quand vous ferez agir toute l'autorité De l'amour conjugale et de la palernelle.

Les deux passages suivants de Vaugelas, écrits à deux dates différentes, nous montrent que l'emploi du genre masculj^, plus rare d'abord, ne tarda pas à prédominer : » 11 est indifférent de le faire masculin ou féminin. Il est vrai pourtant, qu'ayant le choix libre, j'userais plutôt du féminin que du masculin, selon l'inclination de notre langue. » (Bemargues, 1647.) Aujourd'hui, dans la prose, il n'est plus que masculin ; car en poésie il est toujours hermaphrodite, mais néanmoins plutôt mâle que féminin. » (Observations, 1672.)

61. Voltaire a raison de trouver ce vu que lourd et peu noble. D'ailleurs, If toill entier marque de légèreté et de netteté ; son peuple, ce sont les Albains.

65. liéjuire à, renfermer dans, borner, restreindre à...

68. Cl On ne fait pas une crainte, on la cause, on l'impose, oh l'excite, on la fait naître. » (Voltaire.) Faire a précisément ici le sens de causer, faire naître, et cet emploi était alors très fréquent, même avec un nom de chose pour sujet.

70. Jeter à bas, mettre d bas, est une expression dont Voltaire condamne la familiarité, mais que Corneille s'est plus d'une fois permise dans le style soutenu : Il le veut éUver, il le peut mettre à bas. {Polyeucte, III, 2.)

7J. Flatter, très usité au xvn' siècle pour adoucir:

L'heur de vous obéir flattera sa douleur. {Rodogune, 926.)

Bèréuice d'un mot flatterait mes douleurs. (Racine, Bérénice, JU, S.)

Ne croyez pas que, pour consoler ou pour flatter votre douleur, je veuille exa- rérer la vertu de celle que vous pleurez. (Fléchier, Oraison funèbre de Madam» te Momausier )

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