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10 HORACE

Ne saurait, sans la guerre, affermir sa puissance; 40

Je sais qu'il doit s'accroître, et que tes grands destins

Ne le borneront pas chez les peuples latins;

Que les dieux t'ont promis l'empire de la terre,

Et que tu n'en peux voir l'effet que par la guerre.

Bien loin de m'opposer à cette noble ardeur, 45

Qui suit l'arrêt des dieux et court à ta grandeur,

Je voudrais déjà voir tes troupes couronnées

D'un pas victorieux franchir les Pyrénées.

Va jusqu'en rOrient pousser tes bataillons,

Va sur les bords du Rhin planter tes pavillons, 50

Fais trembler sous tes pas les colonnes d'Hercule,

Mais respecte une ville à qui tu dois Romule.

Ingrate, souviens-toi que du sang de ses rois

Tu tiens ton nom, tes murs, et tes premières lois.

Albe est ton origine; arrête, et considère 55

Que tu portes le fer dans le sein de ta mère.

Tourne ailleurs les efforts de tes bras triomphants :

Sa joie éclatera dans l'heur de ses enfants.

��42. Il est difficile de ne pas croire que Corneille se souvenait ici d'an passage du l*' chant de VEnéide :

Imperium OceaDO, farmam qui terminet asiris.

De m6me, le vers suivant rappelle ces autres vers de Virgile :

Hic ego née mptas rernm nec tempora pono; Imperium sine fine dedi.

44. En, par une syllepse familière aux poètes du ini" siècle, se rapporte à l'idée depromcsse, bien que le substantif ne soit pas exprimé. Le ?ens est donc : tu ne peur voir que par la guerre la réalisation des prédictions divines.

47. Couronnées, absolument, pour couronnées des lauriers de la viètoire.

50. Au sens propre, pavillon ne signiQait à l'origine que tente; par extension, a signifié étendard.

52. On sait que Roinulus avait pour aïeul un roi d'Albe, Numitor. — Corneille aime à franciser les noms latins ; dans Horace même il appellera Tulle le roi Tullus Hoslilius; dans Cinna et ailleurs, il dit Agrippe, Brute, Caligule, Cassie, Cinne, Décie, Sexte, Pompone, Rutile, etc.

55. On retrouve pette même tournure au vers 1605 de Cinna ï

C'en est trop, Emilie, arrête et considère

Qu'il t'a trop bien payé les bienfaits de ton père.

58. Dans ses Remarques , Voltaire regretté la disparition du mot heur,

Zui favorisait la versification et ne choquait point l'oreille. « ffeicr se plaçait, dit la Bruyère, où bon/icur ne saurait entrer; il a fait bonheur, qui est si fran- çais, et il a cessé de l'être. » (De quelques usages.) Il a aussi survécu dans la lo- cution heur et malheur: M. Littré est même d'avis qu'on peut l'employer encora dans la poésie et dans la prose élevée. En tout cas, il vit dans les mémoires ave< tant de vers immortels :

Rodrigue, qui l'eût cru? — Chimène, qui l'eût dit?

— Que notre heur fût si proche et sitôt se perdit? iCid, V, h)

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