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que Corneiîîe a voulu créer deux caractères opposés? Nous de- manderons où est l'opposition, sinon dans ces vertus paisibles et sereines qui sont les vertus de la vieillesse. Vieux, on peut être, au moins dans la forme, tout autre qu'on ne l'était dans la jeunesse. Les plus féroces batailleurs des épopées du moyen âge meurent couronnés de l'auréole des saints. Au xvn^ siècle, le plus belliqueux et le plus vaniteux des égoïstes. La Rochefoucauld, mûri et adouci par l'expérience, recevait de M'" de Sévigné le beau mais étonnant surnom de « patriarche ». Corneille lui même ne nous peignait-il pas, presque en même temps que la figure du vieil Horace, celle d'un empereur clément qui avait commencé par être le plus cruel des diclateui's? L'Auguste magnanime que les conjurés bénissent au cinquième acte de Cinna est-il bien le sanglant Octave qu'ils maudissent au premier?

Ainsi du vieil Horace : en ces temps de crise, le patriotisme ne pouvait être sincère elefflcace qu'à condition d'être tyran- nique. Le vieil Horace, jeune, a dû être patriote avec le même emportement que son fils; vieux, il l'excuse avec une indul- gence voisine de la complicité, mais d'une complicité incon- sciente : car, en ce dernier de ses enfants, il voit avec complai- sance revivre l'énergie de sa jeunesse. On dit que les Romains aimaient à tempérer par le doux vin de Chio l'âpreté de leur Falerne ou de leur Cécube. Ehbien, la vertu du jeune Horace, c'est le vin pur du terroir, le vin qui donne l'ivresse sauvage; mais à la vertu franclie du vieil Horace l'ùge a mêlé la ten- idresse, ce vin de Chio qui réchaull'e et n'égare pas.

S'il n'était pas dangereux de p:êtcri Corneille des intentions systématiques qui pcut-êlre étaient loin de sa pensée, nous dirions que dans les deux Iloraccs sont personnifiées deux phases, non seulement de la vie et de l'àme humaine, mais encore de l'histoire du peuple romain, intraitable tant que les nécessités de sa situation lui firent un devoir de l'être, puis devenu moins égoïste et moins fanatique lorsqu'il put se relâ- cher sans péril de sa rudesse primitive.

Le jeune Horace serait-il incapable de s'élever un jour a cette sérénité qui n'est pas l'indillerence? L'amour exagéré de l'antithèse n'a-t-il pas conduit la plupart des critiques à grossir le trait dominant de ce caractère, qui, si l'on y regarde de plus près, admet quelques nuances très légères? Est-il vraisemblable que Corneille ait voulu faire son héros d'un simple fou furieux, d'un soldat sans intelligence et sans cœur? car l'intention de Corneille ne parait point douteuse : il intitule sa tragédie Horace, et c'est le jeune Horace seul qu'il appelle de ce nom, tandis que le vieil Horace est toujours

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