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ACTE V, SCÈNE 117 (169)

Je n'adore qu'un Dieu, maître de l'univers, Sous qui tremblent le ciel, la terre et les enfers, Un Dieu qui, nous aimant d'une amour infinie, Voulut mourir pour nous avec ignominie, (1660)

Et qui, par un effort de cet excès d'amour, Veut pour nous en victime être offert chaque jour. Mais j'ai tort d'en parler à qui ne peut m'entendre. Voyez l'aveugle erreur que vous osez défendre : Des crimes les plus noirs vous souillez tous vos dieux ; (1665) Vous n'en punissez point qui n'ait son maître aux cieux : La prostitution, l'adultère, l'inceste, Le vol, l'assassinat, et tout ce qu'on déteste, C'est l'exemple qu'à suivre offrent vos immortels. J'ai profané leur temple, et brisé leurs autels ; (1670) Je le ferais encor, si j'avais à le faire, Même aux yeux de Félix, même aux yeux de Sévère, Même aux yeux du sénat, aux yeux de l'Empereur.

FÉLIX.

Enfin ma bonté cède à ma juste fureur : Adore-les, ou meurs.

POLYEUCTE.

Je suis chrétien.

FÉLIX,

Impie ! (1675) Adore-les, te dis-je, ou renonce à la vie.

POLYEUCTE.

Je suis chrétien.

FÉLIX

Tu l'es? cœur trop obstiné !


(1657) Le Dieu que nous servons est le seul Dieu du monde, Qui de rien a bâti le ciel, la terre et l'onde ; C'est lui qui commande à la guerre, aux assauts ; Il n'y a Dieu que lui, tous les autres sont faux. (GARNIER, Juives, IV. 115)

1659. Sur le genre du mot amour voyez la note du v. 77 1666. En se rapporte à crimes : son maitre, quelque divinité qui en donne l'exemple et en soit le modèle. Ces accusations lancées contres les dieux du paganisme étaient familières aux chrétiens, et l'on a déjà vu au v. 830 que Polyeucte et Néarque ne les avaient pas épargnées aux idoles du temples avant de les renverser. 1671. « Ce vers est dans le Cid et est à sa place dans les deux pièces. » (VOLTAIRE.) 1677. « Ce mot « je suis chrétien », deux fois répété, égale les plus beaux mots d'Horace. Corneille, qui se connaissait si bien en sublime, a senti que l'amour pour la religion pouvait s'élever au dernier degré d'enthousiasme, puisque le chrétien aime Dieu comme la souveraine beauté, et le ciel comme sa patrie.» (CHATEAUBRIAND.) C'était d'ailleurs la déclaration uniforme des chrétiens et leur unique réponse à toutes les questions. M. Leblant le prouve par de nombreux documents dans son Mémoire sur la préparation au martyre.