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98 POLYEUCTE

trop aimable objet, qui m'avez trop charmé, 495

Est-ce là comme on aime, et m'avez-vous aimé?

PAULINE.

Je vous l'ai trop fait voir, Seigneur; et si mon âme

Pouvait bien étouffer les restes de sa flamme,

Dieux, que j'éviterais de rigoureux tourments!

Ma raison, il est vrai, dompte mes sentiments; 500

Mais quelque autorité que sur eux elle ait prise,

Elle n'y règne pas, elle les tyrannise;

Et, quoique le dehors soit sans émotion,

Le dedans n'est que trouble et que sédition.

Un je ne sais quel charme encor vers vous m'emporte ; 505

Votre mérite est grand, si ma raison est forte t

Je le vois encor tel qu'il alluma mes feux

D'autant plus puissamment solliciter mes vœux,

Qu'il est environné de puissance et de gloire,

Qu'en tous lieux après vous il trahie la victoire, 510

Que j'en sais mieux le prix, et qu'il n'a point déçu

Le généreux espoir que j'en avais conçu.

495. Sur objet, voyez la note du v, 458.

496. Ah I mes fils, est-ce là comme on parle de paix ? (racine, Thébaldt, IV, S.

•"■ 491. yar. Je tous aimai, Sévère, et si dedans mon Sme

Je pouTais étouffer les restes de ma fiamme... (1G43-1656.)

S04. Le dedans ; au figuré, l'intérieur, le cœur, l'âme: Et laissons le dedans à pénétrer aux dieux. {Sertorius. 872.)

« Par l'agitation du dedans, la disposition du dehors est toute changée, a (Bosîuet, Connaissance de Dieu, II, 12.) « C'est à vous à changer le dedans, à ramener les cœurs. » (Massillon, Carême.) On voit par ces exemples que les scrupules de Voltaire, toujours préoccupé du « style nohie «, sont peu fondés. - 505. Un je ne sais quel charme ; Corneille aime cette tournure, qu'on reli-ou- »era au v. 1700.

Un je ne sais qtiel charme auprès d'elle m'attache. (Suivante, 141.) Vnje ne sais quel feu que je ne connais pas. (Psyché, 10B3.)

Ainsi Monime confesse à Xipharès le penchant qui l'attire encore vers lui, maip lui déclare en même temps qu'elle y saura résister. —1, Cet aveu « peu conve- nable » décide le sévère abbé d'Aubigiiac à refuser à Pauline jusqu'au titre d'honnête femme ; elle aurait mieux fait, selon lui, de dire et de laisser croire à Sévère que son devoir avait étouffé ses anciens sentiments. Geoffroy lui répond avec quelque rudesse: « Le critique, comme écrivain religieux et moral, a raison ; comme auteur de la Pratique du théâtre, ce n'est qu'un capucin, qui voudrait travestir en dévotes les héroïnes tragiques. »! {Cours de litlérature dramw tique.)

510. Dans ses Remarques sur Rodogune, Voltaire proscrit le root tratnet (le bonheur avec soi, v. 54,) comme donnant toujours l'idée de quelque tlios< de douloureux et d'humiliant, mais il prend soin lui-même de se contredire en citant les vers de Racine ;

Charmant, jeune, traînant tous les cœurs après soi. (Phèdre, U, BJ

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