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80 POLYEUCTE

STRATOMCE.

Elle fait assez voir à quel point vous Taimez.

Mais quel songe, après tout, tient vos sens alarmés? 220

PAULrNE.

Je l'ai vu celte nuit, ce malheureux Sévère, .

La vengeance à la main, l'œil ardent de colère:

11 n'était point couvert de ces tristes lambeaux

Qu'une ombre désolée emporte des tombeaux ;

Il n'était point percé de ces coups pleins de gloire 225

Oui, retranchant sa vie, assurent sa mémoire;

Il semblait triomphant, et tel que sur son char

Victorieux dans Rome entre notre César.

Après un peu d'ettVoi que m'a donné sa vue :

« Porte à qui tu voudras la faveur qui m'est due, 230

« Ingrate, m'a-t-il dit, et, ce jour expiré,

« Pleure à loisir l'époux que tu m'as préféré. »

A ces mots, j'ai frémi, mon âme s'est troublée;

Ensuite des chrétiens une impie asspmblée,

Pour avancer l'effet de ce discours fatal, 235

A jeté Polyeucte aux pieds de son rival.

220. La venr/eanc9 à la main manque de netteté, far il ne semble pas qu'on puisse tenir en main la vengeance. Parfois, il est vrai, riiez Corneille, la ven- geance sigrnifie le moyen de se venger, ou même rinstrument de la vengeance : « Tu tiens la vengeance, » dit don Diégue ù son fils. [Cid, 286.)

2i6. Celte opposition entre la mort et l'immortalité est familière aux poètes. Dans son Poète courtisan, du Bellay nous trace un beau portrait des vrais poètes, qui

Pojr allonger leur gloire accourcissent leurs ans.

Avant Corneille aussi, Rotrou, dans sa Grisante, avait dit en un beau vers:

Qui meurt par sa vertu revit par sa mémoire. 231. Ce jour expiré, sorte d'ablatif absolu.

Elle croira dans peu ce perlide expiré. {Veuve, 1362.)

Au V. 1567 de PhèJre, Racine a dit : v ce héros expiré »: mais il a été repris par d'Olivet, auteur des Remarques sur la grammaire de Racine. Suivant d'Oli- vel, expiré ne peut s'appliquer aux personnes avec l'auxiliaire avoir, mais peut s'appliquer aux choses avec l'auxiliaire être. M. Littré n'a pas de peine à justi- fier Corneille et Racine par des eseniples de Montaigne et de Bossuct.

234. Dans la langue du xvu" siècle, assemblée et réunio7i sont à peu près synonymes ; on disait : l'assemblée du Louvre, l'assemblée des troupes.

Mais le Toiei qui vienl : Cinna. votre assemblée

l'ar l'eaVoi du péril n'cst-elle point troublée ? {Citina, 141.)

235. Avancer a parfois chez Corneille le sens, non seulement de hâter un re» sultat, mais de faire réussir une entreprise, de l'exécuter :

Les intérêts du prince avancent trop le mien. {Tilc et Bérénice, 821.)

E/jfet a ici, comme au ▼. ^28. le sens d'accomplissemect, de réalisation, d'ac(< oppofé k parole.

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