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tique du Théâtre, qui luimcme est postérieur à la lecture dont nous avons parlé. C'est donc à tête reposée et lorsqu'il est bien sûr de la victoire définiiive, que Corneille se donne le plaisir de rouvrir un déjjat où toutes les cliances d'un facile triomphe sont pour lui. 11 argumente, il raille, aux dépens de ceux qui voudraient faire prendre à un Romain « le procédé de France » et l'iiabiller à lafrançaise. Mais alors il défendait avec opiniâtreté son sentiment, et allait jusqu'à dii'e à Chapelain « qu'en matière d'avis il craignait toujours qu'on n& les lui donnât par envie et pour détruire ce qu'il avait bien fait'. » Puis, craignant, non sans raison, d'avoir blesséun arbitre aussi redoutable, il allait spontanément à lui, décla- rait se rendre à son opinion, et l'assurait qu'il changerait son cinquième acte, mais ne le changeait pas. Toujours ce même mélange de prudence et de fierté.

Laissé à lui-même, au contraire, et délivré des avis impor- tuns, celui qui s'obstinait tout à l'heure contre le jugement de tous reconnaîtra de bonne foi son erreur. 11 avouera la du- plicité d'action que le meurtre inutile de Camille introduit dans la pièce ^ ; il ira même jusqu'à reconnaître — ce quî est au moins contestable — que ce meurtre « se fait tout d'un coup, sans aucune préparation dans les trois actes qui précé- dent^. » Il etTacera enfin certaines traces d'un goût douteux: par exemple, à la fin de sa tragédie, il supprimera une scène en- tière, celle où Julie, revenant sur l'oracle qui a trompé Camille, en découvre enfin le vrai sens elle fait connaître. Ces sortes de refrains, fort usités dans la lillérature italienne et espagnole, avaient passé de là dans la poésie duxvu*' siècle à ses débuts, et l'on en trouve do fréquents exemples chez Rotrou. Mais le goût de Corneille était déjà plus sévère; la délicnlesse dé ces retours poéli(|ues, lointains souvenirs du Pa>[or fido, lui parut, comme à nous, un peu précieuse, et l'auteur cVIlorace sacrifia des vers que l'auteur du Cid n'eût pas sacrifiés. Dans Iç Cid, l'influence des défauts contemporains était encore visible; les seuls défauts qui persistent dans Horace- sont des défauts pro- prement cornéliens, pour ainsi dire, et dont le poète ne se débarrassera jamais; car ils sont un des caractères originaux de son génie.

C'est dans ce sens, mais dans ce sens seulement, qu'on peut, avec La Harpe, dire d'Horace, moins harmonieux d'ailleurs dans sou ensemble que le Cid, qu'il marque un progrès dans

1. LeUre de Chnpcl.iin à Balzac, 17 nove3)bre i640

2. Discriurs Jei trois unités.

I, Pir.cours du poème dramatigvfi,

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