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cidenls qui se succèdent, autour el un peu en dehors de lui, loin de le lapprocher de Pauline et du bonheur qui! a rêve, l'en éloignent sans cesse, et le dénouement le laisse sans espoir. On ne comprend donc point l'ironie des vers de Vol- taire :

De Polyeucte la belle âme

Aurait faiblement attendri,

Et les vers ctirétiens qu'il déclame

Seraient tombés daus le décri.

N'eût été l'amour de sa femme

Pour ce païen, son favori,

Qui méritait bien mieux sa flamme

Que son bon dévot de mari^

C'est précisément le contraire que Corneille a voulu montrer. Mais Sévère est à la fois un amant chevaleresque et un philo- sophe • l'amant devait séduire le xvii" siècle, le philosophe ne devait pas déplaire au xviii^ Ne rétahlissait-on pas au théâtre et n'applaudissait-on pas avec transport ces vers hardis, sup- primés dès 1604 par Corneille :

Peut-être qu'après tout ces croyances publiques Ne sout qu'inventions de sages politiiiues Pour conteuir UQ peuple, ou bin pour 1 émouvoir, Et dessus sa faiblesse affermir son pouvoir^?

« Corneille, sans le savoir, sans même s'en douter, a ren- fermé dans ces quatre vers toute la moelle de la phnosophie moderne 3 >>. Geolfrov a raison : Corneille ne se savait pas si subversif. Aussi ne pouvons-nous approuver ceux qui, aujour- d'hui encore, transforment l'auteur de Poh/eucle en apolre de la tolérance religieuse, et disent, avecM.de Bornier: a Po(/euc<e représente la doctrine de la tolérance, c'est-à-dire de la clé- mence mutuelle. N'eût-il écrit que fobjeucte, Corneil e aurait sa place parmi les hommes qui ont le plus fait pour le cahne des cœurs et l'apaisement des esprits* ». C est vouloir faire de Corneille un grand philosophe, après avoir fait de Im un grand historien; souvenons-nous seulement qu il est un grand poète dramatique et que l'opposition des caractères est i essence même du drame. Sévère fait antithèse à Polyeucte et, par le voisinage d'une vertu plus douce, atténue, amortit, pour

��. Lettre à M. Falkener, en tête de Zaire. l. Arte IV, se. 6.

3. GeofTrriy, Cours de littérature dramatique.

4. Z,.i poUtiqui dam Corneille.

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