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INTRODUCTION 8

mière sur cette question obscure, et a réussi à établir, mieux qu'on ne l'avait fait jusqu'à lui, la réalité historique du mar- tyre de Polyeucte. Le silence des anciens historiens ecclésias- tiques le touche peu, car ils ne disent rien non plus de plu- lieurs martyrs incontestés. En revanche, Grégoire de Tours a eonnu le supplice de Polyeucte, dont il fait mention par deux fois, et nous savons qu'au iv*' et au v^ siècle certaines églises étaient placées sous l'invocation du nom de ce saint. On a même trouvé dans la Haute-Egypte des lampes votives en terre cuite, consacrées à Polyeucte et portant son nom. Quant aux Polyeucte multiples signalés par les Bollandistes, trois sont passés sous silence par le martyrologe romain, et le quatrième n'est qu'un dédoublement du vrai Polyeucte, du seul qui soit historique.

M. Aube a eu cette bonne fortune de découvrir à la Biblio- thèque nationale deux documents inédits, l'un grec, l'autre latin, qui tous deux, bien que d'importance inégale, venaient à l'appui de sa thèse. Le manuscrit latin n'est guère remar- quable que par un froid discours, où Pauline tient à Polyeucte à peu près le même langage qu'Andromaque à Hector, dans Homère, lui parlant de son fils qu'il va laisser orphelin et de la servitude — tout imaginaire — à laquelle il l'expose elle- même par sa mort. A part cette amplification, le teste latin, qui ne remonte qu'au v^ ou au vi« siècle, suit d'assez près le texte grec, bien autrement curieux, car il a été sans doute l'original sur lequel ont travaillé les hagiographes, et en par- ticulier Métaphraste,qui en abrège le début, mais en garde le tour oratoire, très reconnaissable dans son imitation presque texiuelle. Le caractère de cet exordc, qui n'est pas d'une narration ordinaire, et aussi l'accent triomphant qui d'un bout à l'autre anime cette sorte de chant de victoire, ont amené M. Âubé à une double conclusion : c'est que, d'al)ord, nous nous trouvons ici en présence d'une homélie, d'une courte oraison funèbre prononcée dans quelque église d'Orient le jour anniversaire du martyre de Polyeucte, le 4 des ides de janvier; c'est qu'ensuite celte homélie a été écrite à une époque où le christianisme se sentait définitivement vainqueur, peut-être après la mort de Julien, ce fougueux ennemi de la religion nouvelle, vers 363. Un siècle s'était déjà écoulé depuis le martyre, mais le souvenir en était encore vivant élans les âmes. Au contraire, c'est seulement sept siècles après le mar- tyre, six siècles après l'homélie, que Métaphraste ressuscita des traditions déjà oubliées ; mais, comme s'il prévoyait la venue de Corneille et voulait lui épargner la gêne d'une situa- tion équivoque, il modifia sur un point important l'homélie

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