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et les couvents, s'était contenté du rôle de compilateur, les biographies qu'il nous a laissées de cent vingt-deux saints seraient un des monuments des plus précieux de l'histoire ecclésiastique. Mais son audace n'a d'égale que sa crédulité; il accepte tout et de toutes mains, mais en se réservant le droit de tout remanier. Arrangeur peu scrupuleux lieancoup plus qu'exact historien, ici il supprime les faits dont s'accom- moderait mal son amplification, souvent oratoire et roma- nesque, là il relouche et polit le style trop naïf des vieux au- teurs: après quoi, il admire complaisamment son œuvre et nous la fait admirer : xaXX'.a-rij rùv «fdjyjjVewy.

Déjà édité par Àloïsio Lippomani de lool à 1558, le recueil de Siméon Mélaphraste fut publié de nouveau, de 1570 à 1575, par Laurent Surius, chartreux allemand, né à Lubeck en 1522, mort en 1578. Les six in-foiios des Vitœ sanclonim de Surius complétaient tout ensemble et abrégeaient Mélaphraste; cer- taines lacunes étaient comblées, certaines snpertluilés éla- guées. A son tour, Surius fut complété par Mosander, autre écrivain allemand du xvi^ siècle, et c'est dans le supplément de Mosander que, de son propre aveu, Corneille a pris le sujet de Polyeucte. L'histoire ou la légende de saint Polyeucte a donc franchi trois degrés successifs avant d'arriver jusqu'à lui.

Mais dans quelle mesure la légende s'y mêle-t-elle à l'his- toire? Eusèbe, et les historiens ecclésiastiques anciens, Rui- nart, dans les temps modernes, se taisent sur ce martyre. D'autre part, voici que les Bollandisles nous font connaître quatre Polyeucte différents. L'embarras est le même des deux côtés, soit qu'on ait à choisir entre ces quatre martyrs, soit qu'on ail à prouver l'existence d'un maiiyr uni(iue. A.joutez que les obscurités, les erreurs, les invraisemblances abondent dans le récit des hagiographes. On ne sait à quelle date "pré- cise placer un événement, qui, en tout cas, n'a pas eu lieu pendant la première persécution en Orient, sous le règne commun de Trajan-Dcce et de Valérien. Ceux-ci ont régné suc- cessivement, l'un de 249 à 251, l'autre de 254 à 260, et c'est Valérien, non pas Dèce, qui publia l'édit contre les chrétiens dont il est si souvent parlé dans la pièce de Corneille. Il es' vrai que cette confusion, renouvelée, d'ailleurs, dans la plu^ part des Actes des martyrs de ce temps, s'explique sans peine* et par l'époque rapprochée des deux règnes, et par la politique commune des deux empereurs; mais comment expliquer que Néarque survive à Polyeucte et soit épargné seul?

Dans un livre récent % M. Aube a essayé de faire la lu-

1. Polyeucte dans l'histoire. Didot, 1882. Nous ne pouvons mieux faire qu«  de donner ici la substance de cet excellent livre.

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