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126 CINNA

I Périsse mon amour, périsse mon espoir, Plutôt que de ma main parte un crime si noir! Quoi! ne m'offre-t-il pas tout ce que je souhaite, Et qu'au prix de son sang ma passion acliète? 890

Pour jouir de ses dons faut-il l'assassiner? Et faut-il lui ravir ce qu'il me veut donner?

Mais je dépends de vous, ô serment téméraire, haine d'^Cmilie , ô souvenir d'un père ! Ma foi, mon cœur, mon bras, tout vous est engagé, 895

EL je ne puis plus rien que par votre congé. C'est à vous à régler ce qu'il faut que je fasse ; C'est à vous, Emilie, à lui donner sa grâce; Vos seules volontés président à son sort. Et tiennent en mes mains et sa vie et sa mort. 900

dieux, qui comme vous la rendez adorable, Rendez-la, comme vous, à mes vœux exorable, Et, puisque de ses lois je ne puis m'affranchir, Faites qu'à mes désirs je la puisse fléchir. Mais voici de retour cette aimable inhumaine. 90b

888. Partir de, pour venir de, être causé par :

Tont ce que j'en obtiens ne part qae do devoir. {Surina, 41J.) 896. Congé, permission :

Mais sans votre congé mon sang n'ose sortir. (Horace, 1886.)

En ce sens, il est aussi usité au xvi' et au xvii" sièrle qu'il est inusité de no- tre temps. Dès le xvni' sièi'le, il avait vieilli, puisque Voltaire s'en étonne et va jusqu'à écrire sérieusement : « Ce mot vient de congédier, qui ne signifie pas permettre. » Congédier n'est pas pris dans les mêmes acceptions que cong^ ; mais il en dérive visiblement.

902. nExorable devrait se dire : c'est un terme sonore, intelligible, néces- saire et digne des beaux vers que débite Cinna. Il est étrange que l'on dise im- placable et non placable ; âme inaltérable et non pas âme altérable; héros indomptable et non héros domptable, etc. » (Voltaire.) Avant le ivm' siècle oa en trouve plus d'un exemple :

Preste moy ton oreille exorable et bénine. (Ronsard.) A notre amour enfin serez-vous exorable ?

(Rotrou, Laure persécutée; V, x.)

Au xviii" siècle et même après, ce terme dont Voltaire regrettait la disparition a été ressuscité par plus d'un grand orateur ou d'un grand écrivain ; M. Liftré cite des exemples empruntés à Montesquieu, Mirabeau et Victor Hugo. Enfin, l'Académie, dans la sixième édition de son dictionnaire (1835), a admis le mot exorable, dont Corneille n'est pas l'inventeur, quoi qu'en ait dit M. Aira; Mar- tin et quoiqu'on le trouve au v. 1675 de Mélite,

','04. Fléchir à, tournure remarquable pour faire céder à ; on sait qu'à cbei Corneille a souvent le sens de par. MassiUon a dit, par un tour analogue : « Laissez-vous fiéf^hir à mes vœux. » (Carême : Motifs de conversion.)

005. Aimable inhumaine fait quelque peine, à cause de tant de fades veri de palantcrie où cette expression commune se trouve. » (Voltaire.)

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