Page:Corneille Théâtre Hémon tome2.djvu/263

Cette page n’a pas encore été corrigée

I ACTE I, SCÈNE II 19

FULVIE.

Votre amour à ce prix n'est qu'un présent funeste

Qui porte à votre amant sa perle manifeste.

Pensez mieux, ^Emilie, à quoi vous l'exposez, H6

Combien h cet écueil se sont déjà brisés;

Ne vous aveuglez point quand sa mort est jisible.

iEMILIE.

Ah! tu sais me frapper par où je suis sensible!

Quand je songe aux dangers que je lui fais courir,

La crainte de sa mort me fait déjà mourir; 120

Mon esprit en désordre à soi-même s'oppose;

Je veux et ne veux pas, je m'emporte et je n'ose,

Et mon devoir confus, languissant, étonné,

Cède aux rébellions de mon cœur mutiné.

Tout beau, ma passion, deviens un peu moins forte; 125» Tu vois bien des hasards, ils sont grands, mais n'importe : Cinna n'est pas perdu pour être hasardé. De quelques légions qu'Auguste soit gardé, Quelque soin qu'il se donne et quelque ordre qu'il tienne, Qui méprise sa vie est maître de la sienne. 130

Plus le péril est grand, plus doux en est le fruit; La vertu nous y jette, et la erloire le suit. Quoi qu'il en soit. quAugusle ou que Cinna périsse,

120. L'antithèse est partout chez Corneille, même dans les mouvements pas lionnes; celle-'-i peut semhler un peu froide.

124. Rébellions. Corneille aime ces pluriels des noms abstraits. Mutiné, expri- mant la même idée que rcbellioixs. est inutile et fait presque pléonasme. 135. Tout beaa, ne les pleurez pas tons! {Horace, 1009.)

Tout beau, Pauline, il entend vos paroles. (Polyeucte, 121B). Tont bean. Flaminins. je n'y suis pas encore. (Nicomède, 1388.) « Cette expression, fréquente dans Corneille, s'employait pour arrêter quelqu'un, le retenir, le faire taire : « Et voulant interrompre lorsque M. Galiot opinoit. Monsieur de Saint-Pol me fit siffne de la main et me dit : Tout beau, tout beau, — ce qui me fit taire. » (Montluc, Commentaires, livre 11.) Par malheur, les chasseurs se servent de cette locution en parlant aux chiens couchants, lorsqu'ils veulent les empêcher de pousser les perdrix qu'ils ont arrêtées; cela a suffi pour la faire considérer comme triviale et déplacée dans le style élevé. » (Lexique de M. Marty-Laveaux.)

127. On a vu par le vers précédent que hasard, moins faible qu'aujourd'hui ivait le sens àe péril. Hasarder signifie donc exposer au péril: Voyez les périls on vous me hasardez. {Polyeucte, 352.) L'exemple est dangerenx et hasarde nos vies. {Ificoméde, 1231.) 130. La sienne, celle d'Auguste. On a souvent admis, comme par pitié, i^ Tariante, la leçon autheutii]ue émanant de Corneille, tandis qu'on insérait dan» le texte une correction inutile ou un rajeunissement douteux. Exemple : Qai méprise la vie est maître de la sienne. Pour : qui méprise sa vie, — qui a paru amphibologique aux éditeurs. (NoU de l'édition Régnier.) Plusieurs éditeurs citent aussi le mot de Sénèque : Qui»'

�� �