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Dont la mort de mon père a formé la naissance,

Enfants impétueux de mon ressentiment,

Que ma douleur séduite embrasse aveuglément,

Vous prenez sur mon âme un trop puissant empire : îj

Durant quelques moments souffrez que je respire

!!t que je considère, en l'état où je suis,

l.l ce que je hasarde, et ce que je poursuis.

ijuand je regarde Auguste au milieu de sa gloire,

-^l que vous reprochez à ma triste mémoire 10

2. Var. A qui la mort d'nn père a donné la naissance. (1643-56.) Var. Qne d'un jaste devoir sootient la violence. (1660.)

3. Enfants, pris au figuré, se retrouve deux fjis dans Sertorius (v. 1013 et 1024). La Fontaine a dit :

Les arts sont les enfants de la nécessité. (Le Quinquina, ch. II.) « M. Despréaux trouvait dans ces paroles une généalogie : des impatients dé- irs d'une illustre vengeance, qui étaient les enfants impétueux d'un noble res- ficntiment et qui étaient embrassés par une douleur séduite. Les personnes consi- dérables qui parlent avec passion dans une tragédie doivent parler avec noblesse et vivacité; mais on parle naturellement et sans ces tours si façonnés quand la

fas«ion parle. »{FéneIon. Lettre à l'Académie: Projet d'un traité sur la tragédie.) I est plus facile qu'équitable de reprendre des expressions poétiques après les avoir travesties en prose. S'il faut accorder à Fénolon que « ces vers ont je ne sais quoi d'outré », on peut remarquer cependant que séduite est ici pris dans le sens classique ; Racine lui-même prend souvent séduire dans le sens d'égarer : « Ta pitié te séduit... Ses yeux ne l'ont-ils point séduite? >> (Andromaque, III, i; Dajazet, V, ii.) Quant à embrasser, il équivaut au latin sectari, amplecti. Ces brusques apostrophes à des abstractions, ces tours forcés, ces épithètes accumu- lées, tous ces souvenirs de Sénèque n'en sont pas moins froids.

5. Voltaire loue avec raison l'heureuse correction apportée par Corneille «ai vers primitifs :

Vous régnez snr mon Ame avecqoe trop d'emoire.

Pour le moins nn moment souffrez qne je respire. (1643-B6.)

Respirer, pris au figuré, et signifiant avoir quelque relâche, se retrouve au T. 602.

8. Ce qu elle hasarde, c'est son bonheur, puisqu'elle aime Cicna, dont elle va exposer la vie ; ce qu'elle poursuit de sa haine, ce qu'elle s'acharne à perdre, c'est Auguste. Dans le second terme de l'antithèse, ce que est employé pour qui, comme dans ces vers de Racine :

n iput dans ce désordre extrême,

Epouser ce qu\\ hait et perdre ce qu'il aime (Andromaque, I, i.)

Cette antithèse entre la grandeur du péril à courir et la grandeur du but à atteindre, a le niéiile de bien résumer la situation en un vers plus ferme et p'us précis que les [né^édents. — Chez Corneille, hasard est très souvent synonym* ■-.e danger; de là le sens de hasarder.

9. Var. Quand je regarde Auguste en son troue de gloire. (1643-56.) Gloire ici signifie l'éclat de la puissance, comme dans Athalie (II , 7).

Venez dans mon palais : vons y verrez ma gloire.

10. Et que, construction très correcte pour et quand, qui eût peut-être mieux valu, à cause du que du vers suivant. « Ces désirs, dit Voltaire, rappellent à Rmilie le meurtre de son père, et ne le lui reprochent pas; car elle n'est certai- oemeot pas cause de cette mort. » Mais, comme le remarque M. Gcruzez, le r»

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