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régicides, elles étaient devenues de véritables lieux communs, dont retentissaient la place publique et les salons, aussi bien que le théâtre 1.

Elle aussi, la politique de Corneille, si l’on peut dire qu’il ait une politique, est fondée sur la raison d’Etat, mais sur la raison d'Etat comprise dans le sens de la clémence et de la paix 2. Gardons-nous de lui attribuer des vues trop précises et un système de gouvernement bien arrêté ; la contradiction, trop visible, entre les maximes républicaines d’Emilie et la morale tyrannique de Livie nous donneraient bientôt un démenti. En face de conspirateurs incorrigibles et d’un ministre implacable, il semble dire aux uns : Sachez obéir! et à l’autre : Osez enfin pardonner ! Les conspirateurs ne se plièrent pas à l’obéissance, et le ministre repoussa cette arme de la clémence qu’on lui montrait victorieuse entre les mains d’Auguste. Mais qu’importe ! Qu’importerait même que Corneille, en écrivant Cinna, n’eût point pensé à Richelieu et que la part des événements contemporains y fût impossible à faire! Ce n’est point par les souvenirs passagers de la politique que la tragédie cornélienne est immortelle ; c’est par ce qu’elle a de durable et d’humain, ou plutôt c’est par l’étroite association des grands intérêts de la politique et de l’histoire avec l’intérêt, plus élevé encore, qui prend sa source dans le développement des passions généreuses, dans le spectacle de l’âme humaine triomphant d’elle-même: « Cinna nous appartient, dit Geoffroy, c’est un genre de tragédie qu’on peut appeler nationale, et dont les Grecs n’offrent aucun modèle.

1. Voyez la note sur le v. 16iG

t. H. de Bornier, La politique dans Corneille,