Page:Corneille Théâtre Hémon tome2.djvu/239

Cette page n’a pas encore été corrigée

INTRODUCTION 55

ne prennent pas tant de connaissance des affaires pu- bliques comme en France. » C'est l'observation que devait faire plus tard à Mazarin don Francisco de Mellos, non sans ironie; mais il avait vu les femmes de la Fronde, que Corneille avait seulement devinées et à qui de vaillants sol- dats pouvaient envoyer sans honte les clefs de leurs places.

Faut-il s'en applaudir? faut-il s'en plaindre? Regret- Ions, s'il nous plaît, avec M. Henri Martin, qu'aux nobles et pures héroïnes de la Réforme ou de la Renaissance aient succédé de brillantes, mais folles aventurières, qui met- tent ce qu'elles ont d'adresse et de courage au service des entreprises les plus insensées, souvent les plus coupables; mais ne nous étonnons pas que ce mélange de galanterie souvent fade et de cruauté inconsciente soit l'un des traits distinctifs de Cinna. Surtout admirons avec quel art supérieur Corneille a su tracer de la femme du xvii® siècle, en même temps que de la femme romaine, un portrait à la fois idéal et réel. Pour les ressources de l'esprit, pour la force inflexible de la volonté, son Emilie n'est au-dessous d'aucune de ses contemporaines; elle est au-dessus de presque toutes par l'élévation du but, par la pureté de l'inspiration, surtout par la hauteur de la vertu. C'est une héroïne vraiment romame et française, mais avant tout vraiment cornélienne, moins souple, mais plus irréprochable que cette princesse Palatine dont Retz disait : « Je ne crois pas que la reine Elisabeth d'Angleterre ait eu plus de capacité pour conduire un Etat. »

Nous avons montré déjà, dans Emilie, l'héroïne de roman,

Îui parle trop souvent le langage de l'hôtel de Rambouillet; ans Cinna l'amant heureux , facilement héroïque , dans Maxime, au contraire, l'amant dédaigné, inévitablement ridi- cule*. Le style s'en ressent tout d'abord: ce style, semé de traits éclatants, d'antithèses, de subtilités, un peu empha- tique dans les discours, un peu abstrait dans les dissertations si familières aux contemporains, tient, à la fois, de Lucain ^ et de Ralzac, de Sénèque et de d'Urfé. « De même que le Cid, Cinna fut représenté en costumes de cour de l'époque, c'est-à- dire que les hommes avaient la fraise plate, les hauts-de- chausses à bouts de dentelle, le justaucorps à petites basques, la longTie épée, les souliers à nœuds énormes, et les femmes le corsage court et rond, la grande, ample et solide jupe à queue, les talons hauts, les cheveux crêpés et bouffants, ou retombant en boucles. Auguste portait une couronne de lau-

1. Voyez la seconde partie de l'Introduction.

2. Comparei au discours de Cinaa le discours de Curion à César.

�� �