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84 CINNA

virile se ressaisit tout à coup à l'heure du danger, et s'élève au-dessus de lui-même. Voyez Cinna : il n'est pas toujours un soupirant vulgaire ni un vulgaire déclamateur : ce chevalier que soutient dans ses défaillances la religion du point d'hon- neur et de la parole donnée, est décidé à se tuer quand il aura accompli son serment. Et ce n'est pas une phrase de rhéteur : car il sait, quand ille faut, affronter lamort, etdéfier en face Auguste menaçant. Ainsi l'amant de M^" de Longueville, le brillant, mais trop hésitant La Rochefoucauld, saura payer de sa personne, à l'occasion, et ne reculera devant aucun obstacle; mais, laissé seul, il ne se décidera que par des considérations d'honneur chevaleresque ; il entreprendra la guerre à contre-cœur, mais il la soutiendra jusqu'au bout, pour plaire à celle qu'il aime : « Le duc de La Rochefoucauld ne pouvait pas témoigner ouvertement sa répugnance pour cette guerre : il était obligé de suivre les sentiments de M™^ de Longueville, et ce qu'il pouvait faire alors était d'es- sayer de lui faire désirer la paix^. »

Qui donc, en 1626, entraîne le vieil Ornano à se faire le chef de la « conspiration des femmes »? C'est la princesse de Condé qui veut marier sa fille, la future M™^ de Longue- ville, à Gaston d'Orléans. Qui donc séduit le jeune comte de Chalais, et, en dépit de ses répugnances, le contraint à jouer le rôle d'un conspirateur éternel? C'est M™" de Che- vreuse, cette intrigante de génie, qui sacrifiait lord Rolland à Chalais, mais « suivait âprement ses inclinations ~, » et,

Cour n'y point être infidèle, s'enfuyait à bride abattue de ours jusqu'aux Pj-énées, sous un travestissement viril que ne démentait poir.i. son énergie. L'Emilie de Corneille n'a

F as l'humeur galante de M™*^ de Chevreuse; mais, pour énergie, elle ne lui est point inférieure. Elle est bien de ce temps où l'on voit « les femmes, à peu près seules, mener la guerre civile, gouverner, intriguer, combattre, les hommes traînés derrière, menés, dirigés, en seconde ou en troisième ligne * ». Aux conférences de Loudun siègent la princesse douairière de Condé, la comtesse douairière de Soissons et la duchesse douairière de Longueville. C'est par l'inter- médiaire de M"* de Rohan que Gaston d'Orléans négocie avec les chefs huguenots. Fontenai-Mareuil observe * que dans les autres pays « les femmes sont plus particulières et

��1. Mémoires de La Rochefoucauld.

2. M"» de Metteville. Mé'iwires.

3. Miclielet, Histoire de France XI , 1&

4. Mémoires, p. 104.

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