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INTRODUCTION 53

tragédies; c'est, je crois, une des raisons pour lesquelles on ne joue plus la plupart des pièces de ce grand Corneille. 11 faut parler au cœur plus qu'à l'esprit. Tacite est fort bon au coin du feu, mais ne serait guère à sa place sur la scène. » Dans ses Commentaires sur Cinna, qu'il regarde comme le chef-d'œuvre du poète, et que le maréchal de Grammont appelait « le bréviaire des rois », Voltaire comprend mieux ce que cette politique avait de vivant pour les combattants de la Marfée, pour les héros futurs de la Fronde. En atten- dant qu'on se batte, on conspire. L'histoire intérieure du règne de Louis XIII n'est guère que l'histoire de ces innom- brcdiles conspirations, nées souvent, comme celle de Cinna et d'Emilie, dans la maison même et jusque dans la famille du prince. Presque toutes sont antérieures à Cinna. Corneille avait vu de près ce monde de conspirateurs frivoles et versa- tiles, ces « intrigants qui se croyaient des Catons et des Brutus, parce qu'ils mêlaient de grandes maximes à de petits complots 1 », ces déclamateurs qui parlent toujours du bien public et songent toujours à leur intérêt particulier. Il avait vu ces grands complots, qui menaçaient de bouleverser tout l'Etat, s'en aller soudain en fumée, et les conjurés les plus farouches se contenter d'un pardon hautain. A côté de ces brouillons qui finissent en courtisans et souvent rivalisent de servilité, il avait vu les perfides et les traîtres, disons le mot, les « mouchards », qu'il a personnifiés dans Maxime et Euphorbe, et qui n'étaient pas rares au temps des Puylau- rens, pas plus que les Cinnas au temps du faible Gaston d'Or- léans. En peignant « ces gens incertains qui s'offrent toujours au commencement des partis et qui les trahissent ou les abandonnent d'ordinaire selon leurs craintes ou leurs inté- rêts 2», il est d'accord avec l'histoire 3, et ce mélange du comique et de l'héroïque, si fréquent en ces temps trou- blés, est un trait de vérité de plus.

Tout n'est pas avili en efl'et dans cette société ardente et jeune où Condé, La Rochefoucauld, Retz, attendent leur heure. Il y faut faire la part des lâchetés et des fiers dévoue- ments, des ambitions misérables et des mouvements spon- tanés de l'âme. Tel qui semblait incapable d'une résolution

1. Henri Martia, Histoire de France, XI, 75.

2. Mémoires de La Rochefoucauld.

3. M. Julien Duchesne, le savant professeur de littérature française à la faculté de Rennes, nous a même afQrmé que la ruse de Maxime se faisant passer Oour noyé est positivement historique, et qu'elle a sauvé un seigneur compromis iins une conjuration contre le cardinal; mais il n'a pu retrouver la source dt <• curieux renseignement, et nous a'avoas pas été plus heureux.

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