Page:Corneille Théâtre Hémon tome2.djvu/233

Cette page n’a pas encore été corrigée

INTRODUCTION 49

avec un sourire d'amer dédain, dans ce mépris républicain de la royauté :

Pour être plus qu'un roi, tu te crois quelque chose?

« Corneille a-t-il, oui ou non, exprimé ces sentiments avec prédilection? Voilà en quel sens, ce me semble, on a pu dire avecraison qu'il avaitrâme républicaine. <(Oii irons-nous, s'écrie M. Levallois éperdu, si nous nous mettons ainsi à établir des catégories d'âmes selon les opinions politiques? » Poser ainsi la question, c'est ne pas la comprendre. Encore une fois, il ne s'agit pas des opinions pratiques de Corneille, qui, très certainement, en son temps, n'avait pas autre chose à faire que d'être royaliste; il s'agit de l'idéal que son âme caressait le plus volontiers en théorie ou dans l'histoire. »

Bien avant M. Despois, M. Geruzez n'avait pas craint de mettre en lumière ce côté si curieux de Corneille, et de dire* : « Le drame ou plutôt l'épopée d'Horace et le fier dessin du caractère d'Emilie ne permettent pas de douter des prédilections morales de l'âme de Corneille. Elle était de trempe républicaine, dans toute l'acception du mot; mais on se tromperait si l'on voyait dans Corneille un apôtre de l'évangile démocratique. Corneille, comme tous ses contempo- rains, avait foi en la monarchie ; il comprenait et il peignait merveilleusement, par l'instinct de sa forte nature, les vertus d'un autre temps... Il prétend uniquement à reproduire la mâle beauté des caractères antiques, et en faisant admirer et goiiter les vertus de la liberté, il en a provoqué l'imita- tion. »

En résumé, Cinna ne nous paraît être ni une tragédie monarchique, ni une tragédie républicaine : si un grand mo- narque y est glorifié, la républicaine Emilie n'y est pas trop abaissée. Auguste sera-t-il assez héroïque pour être clément? voilà toute la question. Autour de lui se groupent les per- sonnages destinés à faire ressortir la clémence impériale : le drame entier n'est que le développement de l'héroïsme re- présenté sous des aspect très divers.

Est-ce à dire qu'il ne faille point faire dans Cinna la part des idées contemporaines? Nous croyons au contraire qu'il la faut faire très large. M. Ed. Fournier a même soutenu, non sans vraisemblance, que le choix du sujet avait été dicté à Corneille par des événements dont le poète fut le témoin attristé : « C'est en 1640 que CiJina fut joué

i. Etsais de liUérature française.

�� �