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leur manquaient. Dans la Mort de César, de Scudéry, Antoine, conseillant à Auguste de prendre la couronne, enUe la voix et déclame. Corneille est le premier qui ait su peindre les grandes idées avec netteté et vérité. La politique ne fait pas la moindre beauté de Cinna * ; elle était alors en faveur, et ces conversations, ces dissertations qui nous semblent un peu Janguissanles, passionnaient les contemporains de Richelieu.

Une grande partie du monologue d Auguste au quatrième acte est emprunté au récit de Sénèque, qu'on dirait découpé d'avance en scènes toutes faites; mais chez Sénèque ce mono- logue, si poignant chez Corneille, est plus froid, parce qu'il est précédé d'une brève introduction, qui ne suffit pas à le préparer. Pour que nous soyons émus, il faut que nous ayons prévu dès longtemps ce conilit de passions contraires, et que nous en attendions l'issue avec impatience On a déjà vu dans quel esprit Corneille avait modifié la scène d'Auguste et de Livie, bien plus vraisemblable d'ailleurs dans Sénèque que dans Dion Cassius. Eh bien, en s'éloignant de Sénèque, il semble s'être rapproché de l'histoire vraie ou tout au moins probable: car il amoindrit le rôle de Livie qui, au double point de vue historique et dramatique, ne doit pas être pré- pondérant : « Il n'est point vraisemblable, dit M. Ampère', qu'Auguste ait cédé en cette circonstance aux conseils de Livie; elle n'a pas plus demandé la grâce de Cinna à Auguste que l'impératrice Joséphine n'a demandé à Napoléon la grâce du duc d'Enghien. Livie, nous le savons, se maintint près d'Auguste en étant toujours de son avis. Les harangues que Dion met dans sa bouche ont été évidemment forgées par 'historien. J'en dirai autant du discours que Sénèque fait adresser par Auguste à Cinna, et qu'a en partie reproduit Corneille. Auguste et Cinna étaient seuls et on ne voit point comment Sénèque aurait eu connaissance de ce discours. » Le fait réduit à lui-même est celui-ci : un conspirateur gracié à une époque où personne ne conspirait plus, dix ans avant la mort d'Aupuste, quand il n'y avait plus d'ennemis à redou- ter. A en croire Sénèque. il y aurait eu bien de l'étalage dans cette facile générosité. D'autres souverains ont pardonné plus simplement à des conspirateurs plus dangereux que Cinna'. »

M. Ampère remarque d'ailleurs que c'est la seule fois qu'Auguste ait pardonné. Il est vrai qu'il est en désaccord,

1. l propos di: celte délibération, Saint-Evremond écrirait : a Je sais que ce» matières ne souBVent guère les vers; mais on peut alléguer ceux de Corneille sur les Romains, puisqu'il les fait mieux parler qu'ils ne parlent eux-mêmes :

2. Ampère, L'empire romain à Rome.

%. « Sylla m'a précédé- •> etc. [Réflexions sw le» âivert oéniet du peuple tvmatfl.)

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