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INTRODUCTION 3»

conjectures. Si Ton entre dans le détail, on distingue trois situations dramatiques principales empruntées par Corneille à l'histoire : 1° la délibération du second acte; — 2° les hési- tations d'Auguste au quatrième et les conseils de Livie; — 3° le pardon d'Auguste aux conjurés.

Suétone affirme qu'Auguste songea par deux fois à se démettre de l'empire \ et que, la seconde fois, il exposa dans une réunion de magistrats et de sénateurs un projet bientôt abandonné d'ailleurs, après réflexion (an 27). Cette indica- tion un peu vague est amplifiée en quarante chapitres par Dion Cassius, qui suppose entre Auguste, Agrippa et Mécène un entretien où Agrippa plaide, avec une chaleur inattendue, la cause delà Répub!i(iue. Le discours de Mécène est, comme celui d'Agrippa, une œuvre de rhéteur plus que d'historien. Et pourtant cette dissertation abonde en faits curieux, à tel point que M. Egger a pu l'appeler « un vrai code monarchique ». Saint-Evremond en avait été frappé 2; mais Montesquieu n'en dit rien et se contente d'écrire : « On a mis en question si Auguste avait véritablement le dessein de se démettre de l'empire. Mais qui ne voit que, s'illeût voulu, il était impos- sible qu'il n'y eût réussi? Ce qui fait voir que c'était un jeu, c'est qu'il demanda tous les dix ans qu'on le soulageât de ce poids, et qu'il le porta toujours. C'étaient de petites finesses pour se faire encore donner ce qu'il ne croyait pas avoir assez acquis 3. » Cette « partie, jouée avec un grand sérieux à la face de Rome », cette « grande comédie* » est digne d'un Machiavel romain; mais l'Auguste de Corneille n'a rien d'un Machiavel : il est grave et sincère. Voilà l'œuvre propre du poète : Sénèque ne lui donnait rien ici; Dion Cassius, au contraire, lui offrait ses harangues c'itluses, dont il a pris l'essentiel en élaguant impitoyailement tout le superflu. Peut-être s'est-il souvenu aussi de la délibération des sei- gneurs persans Mégabyse. Olanès et Darius, sur le choix d'un gouvernement, après le massacre des mages ^; on l'a con- lecLuré d'après certaines ressemblances de détail, curieusea ?ans doute, mais non tout à fait probantes, à notre avis : ce sont là de ces lieux communs qu'on retrouve partout avant Corneille, mais que Corneille a vivifiés, d'abord en supposant comme interlocuteurs à Auguste Cinna et Maxime, puis en don- nant à ces abstractions la précision et la force dramatique qui

1. « De reddenda republica bis coeitavit. » (28.)

t. Voir ses Réflexions sur les différents génies du peuple rommn.

3 Grandeur et décadence des Romains, ch. xiii.

4. M. Duruy, Histoire des Romains.

5. Hévodotç, m, 80, 81, 82. Voyez les notes de l'acte H.

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