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36 ! CINNA

n'est dissimulé ni épargné '. Désormais, nous sommes tran- quilles: si Auguste pardonne, il pardonnera sans arrière-pen- sée. Mais pardonnera-t-il? L'incertitude se prolonge et s'accroît Eendantla scène où Livie offre ses conseils, si mal reçus. Eh ien, l'intérêt est si évidemment concentré sur Auguste que l'idée d'un châtiment sévère infligé à ses assassins ne nous révolte pas. Sans doute nous aimerions mieux le voir décidé à la clémence ; mais nous n'osons espérer tant de grandeur d'âme, et, s'il se vengeait, nous sommes prêts d'avance à déclarer sa vengeance légitime. Au premier acte, nous partagions la haine des conjurés contre Auiruste; à la fin du quatrième, nous partageons la juste colère d'Auguste contre les conjurés.

ACTE 'V. — C'est dans ces sentiments que nous trouve le cinquième acte; le pardon d'Auguste produit siu" nous une impression d'autant plus profonde que nous nous y attendons moins. Il a tout appris, et- le dit à Cinna. C'e st peut-être le seul moment ou celui-ci se montre tout à Tait grand . Dans lej ^mhat de générosité qui s'engage entre lui etlmilie. il semble que notre estime revienne îi eux, ou plutôt à Cinna, car Emilie n'a rien fait pour en démériter. Tous deux tien- nent tête à Auguste avec une si énergique franchise que nous recommençons à trembler pour eux. Aucune péripétie ne pouvait mieux préparer le coup de théâtre final: car, d'un côté, ces opiniâtres bravades nous font croire le pardon impossible, surtout quand nous entendons Auguste s'écrier :

Il faut que l'univers, sachant ce qui m'anime, S'étonne du supplice aussi bien que du crime ^

De l'autre, il ne faut pas que les amants, trop humiliés devant celui qu'ils appelaient le tyran, paraissent indignes de notre estime et de la sienne au moment où il va leur tendre la main. Auguste, il est vrai, prend sa revanche, etl'ou peut juger qu'il la prend trop complète:

Ta fortune est bien haut, tu peux ce que tu veux;

1. « Lorsqu'il a découvert la conspiration, son premier sentiment est celui de l'amitié trahie : indiiTérent sur son propre danger, il ne se montre sensible qu'à la douleur d'être haï; il semble ne pouvoir ni régner ni vivre, s'il ne peut être aimé. Sa seconde pensée est un retour sur lui-même ; il se condamne et il justifie ses assassins. A ces deui mouvements si touchants et si nobles suc- cèdent quelques idées de vengeance : Auguste n 'intéresserait pas s'il ne tenait rien de l'homme. Mais sa colère est bientôt étouffée par des desseins plus généreux. Rien n'est pathétique et théâtral comme ce monologue. Auguste, asèmc en rappelant ses crimes, se fait aimer et plaindre. » (Geoffroy.)

X. Acte V, se. n.

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