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INTRODUCTION 23

les imperfections du caractère de Cinna, parce que, à leurs yeux, il pouvait et devait être )d héros de la tragédie ceux du xixe les vantent, parce qu'il leur paraît destiné, dans la pensée du poète, à éveiller moins notre admiration que notre mépris. Où les uns signalent une gaucherie, les autres dé- couvrent une mtention de génie. Prenons garde pourtant que cette réaction légitime ne dépasse la mesure, et <?ouve- nons-nous que le vieux Corneille, ce puissant sculpteur- de héros tout d'une pièce, laissa beaucoup à faire à Racine pour la peinture des nuances délicates et des gradations insen- sibles. Quoi qu'on en ait dit, il ne nous sembla pas que M. Guizot ait eu tort d'écrire i : « Corneille n'a jamais su peindre un sentunent mixte et composé de deux sentiments contraires, sans se jeter tantôt d'un. côté, tantôt d'un autre Cinna exècre Auguste dans les premiers actes et l'adore dans les derniers ; le poète ne voyait dabord que la haine il ne voit maintenant que l'affection ; chacu n de ces sen timents pris_a_p art, est entier, absolu, comme s^ils ne de vaient pas se ti-ou yer réunis dans le même c œur. » - ^ —

Omna ne .ditjTpa s, en effet, à Emili e :

Voas me faites haïr ce que mon cœur adore * ?

Pousser le remords, et un remords si récent, jusqu'à l'ado- ration, c est aller vite en besogne. On n'a pas encore oublié les sanglantes invectives du premier acte, où la mort de ce « tigi-e » nous apparaissait naturelle, légitime, nécessaire • et voici que Linna, réduit par Emili e à tenir Isa p romP.L^ agsassme r « un tel prince »7Tâit _le v^u de ne pas survivre à ç(r^5jra£pen e_mamtenânt sôn~ « crime » . Avouons miP l a transition pourraifëtre mieux ménagée. Si l'unité de carac- tère n est pas absolument détruite, elle semble, du moins compromise, et 1 on a le droit de dire, malgré les apologies modernes, que Corneille a tracé la figure de Cinna d'un crayon incertain, tantôt un peu mou, tantôt un peu brusque préoccupe qu il était de résoudre certaines difficultés drama- tiques, même aux dépens de l'exacte vraisemblance

h-n tous cas, ce perpétuel poseur de points d'interrogation, qui tour à tour, maudit et bénit, st. au sortir d'une crise exaltée, tombe en défaillance, ce chef novice de conjurés qui dirait volontiers, lui aussi : « P;.iso-e je suis leur,chef ii faut bien que je les suive ! » ce Bruius à Veau de rose n'est pas, ne peut pas être le héros de la tragédie ; il ne suffit pa»

��1. Corneille et son temp$. t. Acte III, se. IV.

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