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INTRODUCTION Ô

blerait Cinna, Polyeucte et la Mort de Pompée, qu'il avait fait d'abord représenter par les comédiens du Marais, et que d'autres comédiens représentaient, le frustrant ainsi « de son labeur ». Pourquoi dissimuler les petits côtés des grands hommes? Corneille était père de famille; il aimait l'argent plus encore que la gloire, et c'est surtout de la gloire que lui rapporta Cinna. On a calculé que, pendant tout le règne de Louis XIV, Cinna fut joué 166 fois, dont 27 à la cour; encore (a cour préférait-elle ûEd/pe, représenté dix-neuf fois devant elle de 1680 à 1700; Cinna n'arrive qu'au second rang, avec quinze représentations '. D'autre part, le registre de la Comé- die française, tonu par Lagrange, fournit la preuve que le nombre des ieprésentations de Cinna fut encore moindre dans la période qui va de 1659 à 1680. Il résulte de ces chif- fres que la phase du succès, au moins lucratif, pour Cinna, doit s'étendre de 1640 à 1660 environ. Non seulement Cinna est alors dans la fleur de sa nouveauté, mais les esprits sont mieux préparés à le comprendre, étant moins éloignés des agita- tions politiques dont la tragédie cornélienne a fixé le souve- nir. En 1662 déjà, Cinna ne fait que 65 livres, pas même de quoi payer les acteurs ! Et pourtant, au dernier domicile du poète, rue d'Argenteuil ^, sur un tiroir depuis longtemps vide, hélas ! on lisait cette inscription glorieuse et mélancolique : Argent de Cinna.

Du moins, les suffrages de l'élite ne firent jamais défaut à Cinna. Il est fort douteux que le duc d'Enghien, le futur Condé, alors âgé de vingt ans, ait versé au cinquième acte les larmes généreuses qu'on lui prête; on aimerait à s'imaginer, avec Voltaire,

Le grand Condé pleursint aux vers du grand Corneille ;

mais, si l'on ne saurait accepter sans réserve cette ingénieuse légende, il paraît certain que, trente-quatre ans après, la clémence d'Auguste touchait encore Louis XIV, et lui arra- chait presque la grâce du chevalier de Rohan, condamné à mort pour crime de haute trahison.

C'est surtout, comme il est naturel, au théâtre que le sou- venir du triomphe de Cinna fut vivace: en 1652, Berlhod, dans sa Ville de Paris en vers burlesques, assez semblable à la

1. Despois, Le théâtre français soug Louis XIV. Il est vrai qu'on ne se gêne pas avec les comédiens ; le 30 mai 1682, ils vont à Versailles pour repré- lenter Cinna et Crispin médecin ; contremandés, il leur faut revenir : « On ne joue pas, à cause d'une cavalcade de toute la cour autour du grand canal. »

2. E. Fournier, Les domiciles de Corneille. Corneille quitta seulement ua as «Tant sa mort la rue de Cléry pour la rue d'Argenteuil. .

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