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4 CINNA

duit et renouvelé par Mairet (1630). La Lucrèce de du Ryer, (1637), le Scipion de Desmarets (1639), surtout la Mor! de César; de Scudéry > (1637), avaient prêté aux Romains un langagé un peu tendu, dont l'élévation confinait à l'emphase. Chez Scudéry, les discours de Brutus aux conjurés et de César à ses conseillers annonçaient déjà Cinna. Ces essais sans doute étaient bien imparfaits encore; du moins ils indiquaient la voie et donnaient, pour ainsi dire, le ton.

Ne nous y trompons pas en eflFet : l'éclatant succès de Cinna n'est pas dû seulement à des beautés supérieures. Naguère, les pointes espagnoles du Cid avaient trouvé grâce jusque devant l'Académie; de même, le langage pom- peux de certains personnages cornéliens ne devait pas déplaire aux admirateurs de Balzac, ni à Balzac lui-même. On ne s'étonnera donc point que celui-ci ait salué avec orgueil dans les Romains de Cinna la flère postérité des siens. La lettre qu'il écrivit à l'auteur ^, quand sa pièce fut im- primée, a figuré en tête de plus d'une édition de Cinna; nous lui rendons ici sa place : elle est comme l'acte de naissance de Cinna, signé par le plus illustre de ses parrains :

« Monsieur,

« J'ai senti un notable soulagement depuis l'arrivée de votre caquet, et je crie miracle dès le commencement de ma lettre. Votre Cinna guérit les malades; il fait que les paraly- tiques battent des mains, il rend la parole à un muet, ce serait trop peu de dire à un enrhumé. En effet, j'avais perdu la parole avec la voix; et puisque je les recouvre l'une et l'autre par votre moyen, il est bien juste que je les emploie toutes deux à votre gloire et à dire sans cesse : la belle chose ! Vous avez peur néanmoins d'être de ceux qui sont accablés par la majesté des sujets qu'ils trai- tent, et ne pensez pas avoir apporté assez de force pour soutenir la grandeur romaine. Quoique cette modestie me plaise, elle ne me persuade pas, et je m'y oppose pour l'intérêt de la vérité. Vous êtes trop subtil examinateur d'une composition universellement approuvée ; et s'il était vrai qu'en quelqu'une de ses parties vous eussiez senti quelque

1. Au vxi« siècle, Grévin avait déjà composé une Mort de César.

2. Lettre du 17 janvier 1643. L'édition originale de Cinna avait été imprimée èiRo.ien, chez Toussaint Quioet. Le privilège, qui est du 1" août 1G42, daté de Fontainebleau, débute ainsi : « Il est permis à nostre amé et féal Pierre Corneille, nostre conseiller et advocat général à la Table de marbre des Eauës et Fo- rests de Rouen, de faire imprimer une tragédie de sa composition intitulée Cinna ou la clémence d'Auguste. »

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