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ACTE TROISIÈME

��SCENE I.

��SABINE.

Prenons parti, mon âme, en de telles disgrâces;

Soyons femme d'Horace, ou sœur des Curiaces;

Cessons de partager nos inutiles soins;

Souhaitons quelque chose, et craignons un peu moins.

Mais, las! quel parti prendre en un sort si contraire? 715

Quel ennemi choisir, d'un époux ou d'un frère?

La nature ou l'amour parle pour chacun d'eux,

Et la loi du devoir m'attache à tous les deux.

Sur leurs hauts sentiments réglons plutôt les nôtres;

Soyons femme de l'un ensemble et sœur des autres; 720

Regardons leur honneur comme un souverain bien;

Imitons leur constance, et ne craignons plus rien.

La mort qui les menace est une mort si belle

Qu'il en faut sans frayeur attendre la nouvelle.

711. Prendre parti, se décider, choisir entre deux partis opposés :

Faites, prenez parti, qnelrien ne vonp arrête (Misanthrope, IV. 8.)

« Ce monologue de Sabine est absolument i utile et fait languir la pièce. L«s comédiens voulaient alors des monologues. La déclamation approchait du chant, surtout celle des femmes ; les auteurs avaient cette complaisance pour elles. Sa- bine s'adresse à sa pensée, la retourne, répète ce qu'elle a dit, oppose parole à parole. » Cette critique dé Voltaire est fondée, mais ne s'attaque à rien moins qu'à l'esprit du théâtre de Corneille et du théâtre classique en g-énéral. Si les monologues y abondent, c'est que le monologue est un merveilleux instrument d'analyse morale, et que les contemporains, curieux de ces études, sacrifiaient volontiers la rapidité de l'action au plaisir délicat de pénétrer le fond de l'âme humaine. Aujourd'hui, au contraire, l'action est tout, et le poète serait mal venu qui interromprait le cours du drame par des dissertations semblables au mono- logue de Sabine.

713. On a déjà vu plusieurs fois soins pour soucis.

715. Las, pour hélas, n'est plus guère employé, mais l'était beaucoup alors.

780. Ensemble, tout ensemble, en même temps:

Cher et cruel espoir d'une âme généreuse,

tiais cnsem6/e amoureuse. (Citi. 316.)

j'Ai voire âiie ememble et ma gloire à venger. (Racine, Iphigénie, IV, A.)

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