Page:Corneille Théâtre Hémon tome2.djvu/120

Cette page n’a pas encore été corrigée

104 HORACE

GftMlLLE.

Courage ! ils s'amollissent.

SABINE .

Vous poussez des soupirs, vos visages pâlissent :

Quelle peur \ous saisit? Sont-ce là ces grands cœurs 565

Ces héros qu'Albe et Rome ont pris pour défenseurs?

HORACR.

Que t'ai-je fait, Sabine? et quelle est mon offense ?

Qui t'oblige à chercher une telle vengeance?

Que t'a fait mon honneur? et par quel droit viens-tu

Avec toute ta force attaquer ma vertu? 670

Du moins contente-toi de l'avoir étonnée,

Et me laisse achever cette grande journée.

fu me viens de réduire en un étrange point;

Aime assez ton mari pour n'en triompher point.

Va-t'en, et ne rends plus la victoire douteuse; 675

La dispute déjà m'en est assez honteuse.

��663. S'amollir est ici pris pour s'attendrir. 665. Corneille aime ces tournures interrogatives.

Est-ce là ce beau fen ? Sont-ce là tes serments ? {Polyeuete, 1237.) 667. Var. Femme, que t'ai-je fait, et quelle est mon offense ?

« La naïveté qui régnait encore en ce temps-là dans les écrits permettait ce mot. La rudesse romaine y paraît tout entière. » (Voltaire.) On ne lira pas cette note aujourd'hui sans un sourire. Ainsi, au xvni» siècle, « la rudesse romaine » paraissait tout entière dans un mot aussi naturel que celui-là! Nous dirons à notre tour que le faux goût do grandeur des époques raffinées se trahit tout entier dans la note étrange de Voltaire. ,11 est vrai que ces scrupules exagérés se faisaient jour bien avant Voltaire, puisque Corneille crut devoir leur sacrifler son texte primitif.

669. Var. Que t'a fait mon honneur, femme, et pourquoi viens-tn... (1641-1648.) Par quel droit; nous dirions plus volontiers: de quel droit.

670. Avec toute ta force, c'est-à-dire avec toute la force, toute l'influence que tu as sur moi. On a déjà vu vertu pris dans son sens latin de virtus, cou- rage.

671. Etonner (cf. v. 932), causer un ébranlement moral, a ici, — comme ëtonnement, au v. 964, — le sens très fort du latin attonitus. « On le vit éton- ner de ses regards étincelants ceux qui échappaient à ses coups. » (Bossuet, Oraison funèbre de Condé.) « Mon Dieu, pourquoi vois-je devant moi ce visage dont vous étonnez les réprouvés ? » (Id., Premier sermonpour le vendredi saint.) Don Diègue dit, en parlant des ennemis qu'a terrassés son fils :

N'excusez po nt par là ceux que son bras étonne. (Cid, 1433.^

673. Sur étrange, voyez la note du v. 632. Point, degré. — Afe réduire un étrange point ; me réduire à une étrange situation. — « Notre malhcureuM rime arrache (juelqucrois de ces mauvais vers; ils passent à la faveur des bons. » (Voltaire.)

676. En manque de netteté ; la dispute de la victoire n'est pas beaucoup plus clair. 11 s'agit du triomphe qu'Horace veut remporter sur lui-même; il dit donc Il Sabiue: c'est déjà trop d'avoir hésité.

�� �