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SUR PIERRE CORNEILLE. lui

et surtout de dire à Louis XIY, en lui présentant sa tiaduclion, « qu'elle n'égaloit point l'original du jeune jésuite, qu'il lui nomma*. » Avant et après cette traduction, Corneille com- posa encore d'autres vers sur les campagnes du Roi et des imi- tations de pièces latines de Santeul. En 1670, il publia son Office de la sainte Vierge, dédié à la Reine, et accompagné d'une Approbation datée d'octobre 1669.

Nous avons eu occasion d'indiquer tout à l'heure combien la renommée naissante de Racine portait ombrage à Corneille, et déjà nous avions dit ailleurs quelle impatience lui causaient les plus innocentes malices de son jeune rival 2. Soumettre deux poètes si différents d'âge, de talent, de caractère, à un véritable concours semblait impossible. Henriette d'Angleterre y parvint pourtant, et Corneille, qui avait imprudemment ac- cepté un sujet auquel ses qualités ne convenaient point, donna

1. Voyez tome X, p. igS.

2. Voyez ci-dessus, p. lu, et tome III, p. 107, note 2. — La plupart des témoignages contemporains établissent que Corneille était exempt de toute envie, mais que, de fort bonne foi, il n'appré- ciait pas à sa valeur le talent de Racine. Valincourt dit, en parlant de ce poëte, dans une lettre adressée à l'abbé d'Olivet : « qu'étant allé lire au grand Corneille la seconde de ses tragédies, qui est Alexandre, Corneille lui donna beaucoup de louanges, mais en même temps lui conseilla de s'appliquer à tout autre genre de poésie qu'au dramatique, l'assurant qu'il n'y étoit pas propre. Corneille étoit incapable d'une basse jalousie : s'il parloit ainsi à Racine, c'est qu'il pensoit ainsi ; mais vous savez qu'il préféroit Lucain à Vir- gile. » {Histoire de l'Académie française, édition de M. Livet, tome II, p. 336.) Il était particulièrement blessé du défaut d'exactitude histo- rique qu'il remarquait dans certains ouvrages de Racine : « Etant une fois près de Corneille sur le théâtre, à une représentation du Bajazet. il me dit : « Je me garderois bien de le dire à d'autre que vous, parce « qu'on diroit que j'en parlerois par jalousie; mais prenez-y garde, « il n'y a pas un seul personnage dans le Bajazet qui ait les senti- « ments qu'il doit avoir, et que l'on a à Constantinople : ils ont tous, « sous un habit turc, le sentiment qu'on a au milieu de la France. » Il avoit raison et l'on ne voit pas cela dans Corneille : le Romain y parle comme un Romain, le Grec comme un Grec, l'Indien comme un Indien, et l'Espagnol comme un Espagnol. « {Mémoires anecdotes de Segrais, tome II des OEavres, 1755, p. 43.)

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