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SUR PIERRE CORNEILLE. xxxix

constances politiques et la misère générale n'étaient alors guère favorables au théâtre, et Scarron ne faisait que se rendre l'écho de l'opinion publique en disant dans son Epitre chagrine :

Rien n'est plus pauvre que la scène

Qu'on vit opulente autrefois,

Quoique le plaisir de nos rois.

Il n'est saltimbanque en la place

Qui mieux ses affaires ne fasse

Que le meilleur comédien.

Soit françois, soit italien.

De Corneille les comédies,

Si magnifiques, si hardies,

De jour en jour baissent de prix.

(^Les Œuvres de M. Scarron, 1668, tome I, p. 16.)

Corneille lui-même s'exprime ainsi dans l'avis Aa lecteur

de Pertharite^ : «Il est temps que des préceptes de mon

Horace je ne songe plus à pratiquer que celui-ci :

Solve senescentem mature sanus equum, ne Peccel ad extremum ridendus et ilia ducat'^. »

Bien des années plus tard, lorsqu'après un long éloigne- ment Corneille était revenu au théâtre, un écrivain sans mérite, qui a été du moins pour lui un sincère ami, et à qui cette amitié a fait écrire par hasard quelques pages naturelles et convaincues, l'abbé de Pure, faisait ainsi 1 éloge de cette résolution :

« Puisque le plaisir est l'objet naturel et primitif des spec- tacles, sitôt qu'on s'aperçoit que l'on ne plaît plus, il faut que le poëte fasse judicieusement sa retraite, qu'il se résolve de bonne foi à quitter une place qu'il ne peut tenir, et qu'à l'exemple d'un ancien, il cesse par raison, sans attendre de s'y voir forcé par sa foiblesse. Nous avons vu de nos jours une pareille résolution qui a passé pour exemplaire, et dont le souvenir a plu même après la dédite et la conlrevention ; mais c'est toujours beaucoup d'avoir pu la former, et la vanité qui

1. Tome VI, p. 5.

2. Livre I, épilre i, vers 8 et 9.

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