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J’en mérite la peine et n’en ai pas le fruit ;

Et tout ce que j’ai fait contre mon ennemie

Sert à croître sa gloire avec mon infamie.

N’importe, Rosidor de mes cruels destins

Tient de quoi repousser ses lâches assassins.

Sa valeur, inutile en sa main désarmée,

Sans moi ne vivrait plus que chez la renommée :

Ainsi rien désormais ne pourrait m’enflammer ;

N’ayant plus que haïr, je n’aurais plus qu’aimer.

Fâcheuse loi du sort qui s’obstine à ma peine,

Je sauve mon amour, et je manque à ma haine.

Ces contraires succès, demeurant sans effet,

Font naître mon malheur de mon heur imparfait.

Toutefois l’orgueilleux pour qui mon cœur soupire

De moi seule aujourd’hui tient le jour qu’il respire :

Il m’en est redevable, et peut-être à son tour

Cette obligation produira quelque amour.

Dorise, à quels pensers ton espoir se ravale !

S’il vit par ton moyen, c’est pour une rivale.

N’attends plus, n’attends plus que haine de sa part ;

L’offense vint de toi, le secours, du hasard.

Malgré les vains efforts de ta ruse traîtresse,

Le hasard, par tes mains, le rend à sa maîtresse.

Ce péril mutuel qui conserve leurs jours

D’un contre-coup égal va croître leurs amours.

Heureux couple d’amants que le destin assemble,

Qu’il expose en péril, qu’il en retire ensemble !

====Scène