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quatre ans avant de l'épouser, il y a trois fleurs au moins, six peut-être, à qui Corneille a dicté leurs hommages 1. Ce fut dans la chambre bleue de l'hôtel qu'il lut Polyeucte à de belles dames, un peu offusquées de l'austérité de l'ouvrage, et à un évèque, fort blessé des excès de zèle de l'ardent néophyte 2. Corneille, à qui l'habitude de communiquer ses pièces, avant la représentation, à un auditoire choisi ne profitait décidément pas, et qui cependant ne la perdit point, ne fut, dit-on, consolé de sa déconvenue que par les conseils d'un acteur fort médiocre, qui ranima son courage et le décida à laisser sa pièce aux comédiens. On a même prétendu^ que ceux-ci ayant d'abord refusé de jouer cette tragédie, Corneille donna son manuscrit à l'un d'eux, qui le jeta sur un ciel de lit, où il demeura oublié plus de dix-huit mois ; mais M. Taschereau a fait justice de cette fable invraisemblable.

Il faut dire à la décharge des auditeurs de Corneille que son extérieur n'avait rien d'aimable, son débit rien de séduisant. Nous avons déjà fait remarquer ailleurs^ que Boisrobert lui reprochait de barbouiller ses vers ; les divers portraits que ses contemporains ont faits de lui prouvent que ce reproche n'avait rien d'exagéré.

« Simple, timide, d'une ennuyeuse conversation, dit la Bruyère"; il prend un mot pour un autre, et il ne juge delà

Noailles) est une précieuse aussi spirituelle qu'elle a l'humeur douce. Elle aime le jeu ; les vers lui plaisent extraordinairement, mais elle ne les sauroit souffrir s'ils ne sont tout à fait beaux, et c'est par cette raison qu'elle protège les deux Cléocritos {Pierre et Thomas Corneille'), qui ne font rien que d'achevé, et qui, dans la composition des jeux du cirque, surpassent tous les auteurs qui ont jamais écrit. » — Dans un opuscule intitulé la belle de Ludre, Nancy, 1801, on trouve le passage suivant, tiré d'une oraison funèbre inédite : « Les Benserade, les Racine, les Corneille rendront témoignage que personne ne savoit mieux estimer les choses louables, ni mieux louer ce qu'il eslimoit. »

1. Tome X, p. 10 et 1 1 .

2. Voyez tome III, p. liC)C).

3. Anecdotes dramatiques, tome II, p. 8/|. II. Tome III, p. a54 cl 255.

5. Des jugements, n" 50, tome II, p. loi de l'édition de M. Servois.