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pas nettement, seront fort excusables, vu que les narrations qui doivent donner le jour au reste y sont si courtes, que le moindre défaut, ou d’attention du spectateur, ou de mémoire de l’acteur, laisse une obscurité perpétuelle en la suite, et ôte presque l’entière intelligence de ces grands mouvements dont les pensées ne s’égarent point du fait, et ne sont que des raisonnements continus sur ce qui s’est passé. Que si j’ai renfermé cette pièce dans la règle d’un jour, ce n’est pas que je me repente de n’y avoir point mis Mélite, ou que je me sois résolu à m’y attacher dorénavant. Aujourd’hui, quelques-uns adorent cette règle ; beaucoup la méprisent : pour moi, j’ai voulu seulement montrer que si je m’en éloigne, ce n’est pas faute de la connaître. Il est vrai qu’on pourra m’imputer que m’étant proposé de suivre la règle des anciens, j’ai renversé leur ordre, vu qu’au lieu des messagers qu’ils introduisent à chaque bout de champ pour raconter les choses merveilleuses qui arrivent à leurs personnages, j’ai mis les accidents mêmes sur la scène. Cette nouveauté pourra plaire à quelques-uns ; et quiconque voudra bien peser l’avantage que l’action a sur ces longs et ennuyeux récits, ne trouvera pas étrange que j’aie mieux aimé divertir les yeux qu’importuner les oreilles, et que me tenant dans la contrainte de cette méthode, j’en aie pris la beauté, sans tomber dans les incommodités que les Grecs et les Latins, qui l’ont suivie, n’ont su d’ordinaire, ou du moins n’ont osé éviter. Je me donne ici quelque sorte de liberté de choquer les anciens, d’autant qu’ils ne sont plus en état de me répondre, et que je ne veux engager personne en la recherche de mes défauts. Puisque les sciences et les arts ne sont jamais à leur période, il